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croyaient déjà voir Juba avec ses troupes ; d’autres Varus et la poussière que levait la marche de ses légions ; d’autres, enfin s’imaginaient que la flotte ennemie allait arriver dans un moment ; et rien de cela n’était vrai. Dans l’épouvante générale, chacun ne songeait qu’à soi. (3) Ceux qui étaient sur la flotte se hâtaient de partir ; leur fuite engageait les pilotes des vaisseaux de transport à les suivre ; bien peu de chaloupes obéirent à l’ordre qui leur avait été donné. (4) Mais tel était l’empressement de la foule qui couvrait le rivage, que plusieurs de ces chaloupes coulèrent à fond par trop de charge, et que les autres, craignant un malheur semblable, n’osaient approcher.

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(1) Il arriva de là qu’il n’y eut qu’un petit nombre de soldats qui, soit faveur, soit pitié, soit qu’ils eussent gagné les vaisseaux à la nage, purent s’y faire recevoir et parvenir sains et saufs en Sicile : le reste des troupes envoya cette nuit même des centurions comme députés à Varus, et se rendit à lui. (2) Le lendemain Juba, apercevant ces cohortes campées sous les murs de la ville, prétendit que ces soldats étaient ses prisonniers, et en fit tuer une grande partie ; seulement il en choisit quelques-uns qu’il envoya dans son royaume. Tandis que Varus se plaignait qu’on violât ainsi sa parole, sans oser s’y opposer, (3) Juba fit son entrée dans Utique, à cheval, suivi d’une foule de sénateurs, au nombre desquels se trouvaient Ser. Sulpicius et Licinius Damasippus. Il y resta quelques jours pour donner ses ordres ; après quoi, il reprit, avec toutes ses troupes, le chemin de ses états.


Fin du Livre II


César dictateur à Rome

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(1) Ayant, en qualité de dictateur, fait assembler les comices, César est élu consul avec P. Servilius ; car c’était l’année où les lois lui permettaient de parvenir à cette charge. (2) Cette affaire terminée, comme le crédit était embarrassé dans toute l’Italie et que les dettes n’étaient point payées, il ordonna que l’on nommât des arbitres pour faire l’estimation des meubles et immeubles d’après le prix où ils étaient avant la guerre, et qu’on les donnât en paiement aux créanciers. (3) Il regardait cet expédient comme merveilleux pour apaiser et calmer les craintes d’une abolition des dettes, suite ordinaire des guerres et des discordes civiles, et pour conserver le crédit des débiteurs. (4) En outre, sur la demande qui en fut faite au peuple par les préteurs et les tribuns, il rétablit dans leurs biens plusieurs citoyens qui, en vertu de la loi Pompéia, avaient été condamnés pour brigue, au temps même où Pompée était dans Rome avec ses légions : jugements qui avaient été rendus en un jour par des tribunaux où les juges qui entendaient la cause n’étaient pas les mêmes que ceux qui prononçaient la peine. Ces citoyens, lui ayant offert leurs services dès le commencement de la guerre, César croyait devoir récompenser leur zèle comme s’il en eût fait usage, puisqu’ils s’étaient mis à sa disposition. (5) Toutefois, il avait pensé qu’il serait bien que ces citoyens dussent leur rétablissement à la faveur du peuple plutôt qu’à sa bienveillance personnelle ; car, s’il craignait de paraître ingrat, il ne