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de fatigue, il s’arrête. Saburra donne le signal, range son armée, parcourt les rangs et encourage les soldats ; mais il tient son infanterie en réserve, et fait marcher la cavalerie seule. (3) Curion, de son côté, ne demeure pas inactif, et exhorte les siens à mettre tout leur espoir dans leur courage ; et certes, bien que l’infanterie fût harassée et la cavalerie épuisée de fatigue, et peu nombreuse, elles ne manquaient ni d’ardeur ni de courage pour se battre ; mais nos cavaliers n’étaient plus que deux cents ; le reste n’avait pu suivre. (4) Partout où ils donnaient, ils forçaient l’ennemi à plier ; mais ils ne pouvaient ni poursuivre les fuyards, ni pousser leurs chevaux plus vivement. (5) Cependant la cavalerie ennemis commence à envelopper notre ligne par les deux ailes et à écraser nos soldats qu’elle prend à revers. (6) Quand nos cohortes se détachaient, les Numides, qui étaient frais, évitaient leur choc par la fuite, puis, revenant les envelopper dans leur mouvement de retraite, les empêchaient de rejoindre l’armée. Ainsi elles ne pouvaient, sans péril, ni garder leur poste et leur rang, ni se porter en avant et tenter les hasards. (7) L’armée ennemie, à laquelle le roi ne cessait d’envoyer des renforts, grossissait à tout moment ; les nôtres tombaient de lassitude ; les blessés ne pouvaient no se retirer du combat, ni être transportés en lieu sûr, à cause de la cavalerie numide qui nous enveloppait de toutes parts. (8) Aussi, comme il arrive en ces extrémités, on les voyait, désespérant de leur salut, se plaindre d’une mort si misérable, et recommander leurs familles à ceux que la fortune pourrait sauver du désastre. Toute l’armée était dans la consternation et dans le deuil.

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(1) Curion, au milieu de l’alarme générale, voyant qu’on n’écoute plus ni ses exhortations ni ses prières, prend le seul parti qu’il croit lui rester dans ces malheureuses circonstances : il commande à ses troupes de se saisir des hauteurs voisines et d’y porter leurs enseignes. La cavalerie de Saburra les prévient et s’en empare. (2) Alors les nôtres perdent tout espoir ; les uns veulent fuir et sont massacrés parla cavalerie, les autres succombent avant d’avoir fait aucun effort. (3) Cn. Domitius, préfet de la cavalerie, qui entourait Curion avec quelques cavaliers, l’engage à chercher son salut dans la fuite et à regagner le camp, lui promettant de ne pas l’abandonner. (4) Curion lui répond que jamais, après la perte de l’armée que César lui avait confiée, il ne se présentera devant lui, et se fait tuer en combattant. (5) Quelques cavaliers échappèrent. Ceux qui étaient restés en arrière pour laisser reposer leurs chevaux, voyant de loin la déroute de l’armée, retournèrent au camp sans péril. Tous les fantassins périrent jusqu’au dernier.

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(1) À la nouvelle de ce combat, le questeur Marcius Rufus, que Curion avait laissé à la garde du camp, s’efforce de ranimer sa troupe. Tous le prient et le conjurent de les ramener par mer en Sicile. Il y consent, et ordonne aux pilotes de tenir, vers le soir, leurs chaloupes près du rivage. (2) Cependant telle était l’épouvante, que les uns