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conseil pour délibérer sur ce qu’il y aurait à faire. Les avis furent partagés : les uns, persuadés que dans une semblable disposition des troupes, le repos était surtout à craindre, voulaient un effort extraordinaire et qu’on attaquât le camp de Varus : « Après tout, disaient-ils, il vaut mieux tenter vaillamment la fortune dans un combat, que de se voir abandonnés, trahis par les siens, et livrés au dernier supplice. » D’autres pensaient qu’on devait se retirer vers la troisième veille au camp Cornélius, où l’on aurait plus de temps pour calmer les esprits des soldats, et d’où l’on pourrait plus sûrement et plus aisément, en cas de revers, grâce à une immense flotte, s’ouvrir une retraite en Sicile.

XXXI. Curion, désapprouvant ces deux avis, disait que l’un était trop timide, et l’autre trop hardi ; que par l’un on justifiait une fuite honteuse, et que par l’autre on conseillait de combattre avec le désavantage du lieu. « En effet, dit-il, quelle assurance pouvons-nous avoir d’emporter un camp que la nature et l’art ont si bien fortifié ? Et qu’arrivera-t-il, si, après avoir reçu un échec, nous sommes obligés de nous retirer ? On sait bien que si le succès concilie aux généraux la confiance du soldat, le revers ne leur attire que sa haine. Quant au changement de camp, qu’y gagnera-t-on que la honte d’une fuite, le découragement de tous, et le mécontentement de l’armée ? Car il ne faut point paraître se méfier des bons, ni montrer aux méchants qu’on les craint ; parce que le soupçon diminue l’affection des uns, et la crainte accroît l’insolence des autres. Si ce que l’on dit du mécontentement de l’armée est vrai, ce que pour moi je crois entièrement faux, ou du moins bien exagéré, ne serait-il pas plus à propos de le cacher, de le dissimuler, que d’aider nous-mêmes à l’accréditer ? N’en est-il pas de, ces plaies comme de celles du corps, qu’il ne faut pas laisser apercevoir pour ne pas augmenter la confiance de l’ennemi ? On nous propose, en outre, de partir au milieu de la nuit ; c’est sans doute pour donner aux malveillants plus d’audace : car de semblables desseins sont entravés par la crainte ou la honte, et ces sentiments perdent beaucoup de leur force dans les ténèbres de la nuit. Je ne suis donc ni assez téméraire pour attaquer un camp, sans espoir de réussir, ni assez lâche pour me manquer à moi-même ; je pense qu’il faut tout tenter avant d’en venir là, et je me flatte que je serai bientôt d’accord avec vous sur le parti qui nous reste à prendre. »

XXXII. Après avoir congédié le conseil, Curion assemble les soldats. Il leur rappelle l’affection qu’ils ont témoignée à César devant Corfinium, et que par leur zèle et leur exemple ils lui ont soumis une grande partie de l’Italie. « En effet, dit-il, toutes les villes municipales ont imité votre conduite, et ce n’est pas sans raison que César a pour vous autant d’amitié, que les autres de haine. Votre démarche a forcé Pompée à quitter l’Italie, sans avoir livré combat. César, qui m’aime, m’a confié à votre foi, ainsi que la Sicile et l’Afrique, sans lesquelles il ne peut conserver Rome et l’I-