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la hauteur disputée, et, au premier choc, obligé les nôtres à tourner le dos ; (3) nos soldats, au contraire, parce que, malgré le désavantage du poste et l’infériorité du nombre, ils avaient soutenu le combat pendant cinq heures, gravi la montagne l’épée à la main, chassé l’ennemi de sa position, et l’avaient poussé jusque dans la ville. (4) Afranius fortifia, par de grands ouvrages, le poste pour lequel on avait combattu et y plaça une forte garde.

Rupture des deux ponts. Situation difficile de César

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(1) Deux jours après, il arriva un accident qu’il n’était pas possible de prévoir. En effet, il s’éleva un si violent orage qu’on ne se rappelait pas avoir jamais vu une telle crue d’eau dans ces contrées ; (2) en même temps une masse de neiges fondues coula des montagnes, la rivière surmonta ses rives, et les deux ponts, construits par Fabius, furent emportés le même jour. (3) Cet accident causa beaucoup d’embarras à l’armée de César ; car son camp, ainsi qu’on l’a dit, était situé dans une plaine d’environ trente milles entre le Sicoris et la Cinga, qui n’étaient point guéables, en sorte qu’il n’avait aucun moyen de sortir de cet espace étroit. (4) Ni les peuples alliés de César ne pouvaient lui apporter des vivres, ni les fourrageurs, arrêtés par ces rivières, revenir au camp, ni les grands convois, qui venaient de l’Italie et de la Gaule, arriver jusqu’à lui. (5) C’était le moment de l’année le plus difficile ; il ne restait plus rien des approvisionnements d’hiver, et le temps de la moisson n’était pas loin. Le pays était épuisé, parce que avant l’arrivée de César, Afranius avait fait partir pour Ilerda presque tout le blé ; et que César avait consommé le reste les jours précédents. (6) Les bestiaux, qui eussent été d’un grand secours dans cette disette, avaient été éloignés par les habitants de ces contrées, à cause de la guerre. (7) Enfin, ceux de nos soldats qui sortaient pour aller aux vivres ou au fourrage étaient harcelés par les Lusitaniens armés à la légère et par les troupes de l’Espagne citérieure, qui connaissaient bien le pays et pouvaient aisément traverser la rivière, leur coutume étant de ne jamais se mettre en marche sans porter des outres avec eux.

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(1) L’armée d’Afranius, au contraire, avait tout en abondance. Il avait fait d’avance de grandes provisions de blé, on lui en apportait de toute la province, et il avait du fourrage en quantité. (2) Le pont d’Ilerda lui facilitait sans péril tous ces transports, et lui ouvrait, de l’autre côté du fleuve, un pays neuf où César ne pouvait pénétrer.

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(1) Les eaux demeurèrent pendant plusieurs jours fort élevées. César s’efforça de rétablir les ponts ; mais la profondeur du fleuve et les cohortes ennemies placées sur l’autre bord ne laissaient pas faire ses travailleurs. (2) C’était chose facile aux ennemis, parce que le fleuve naturellement rapide l’était devenu encore davantage par suite de cette crue d’eaux, et parce que, de toute la rive, ils lançaient leurs traits sur un point unique et resserré : (3) or, il nous était bien difficile de travailler tout à la fois dans un fleuve aussi rapide, et de nous garantir des traits de l’ennemi.

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(1) Cependant