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que les ennemis, frappés de terreur, prendraient la route qui conduisait à ce pont. Il s’y dirigea donc avec ses troupes, et ordonna à la cavalerie de devancer les légions, de manière pourtant à pouvoir, au besoin, se replier sur le camp sans fatiguer les chevaux. Nos cavaliers, conformément à leurs ordres, s’avancent et joignent l’armée de Dumnacos ; ils attaquent, en route et sous leurs bagages, les ennemis qui fuient épouvantés, leur tuent beaucoup de monde, font un riche butin, et rentrent au camp, après ce beau succès.

XXVIII. La nuit suivante, Fabius envoie la cavalerie en avant, avec ordre de harceler les ennemis et de retarder leur marche, tandis qu’il suivrait lui-même. Dans ce dessein, Q. Atius Varus, préfet de la cavalerie, homme d’un courage égal à sa prudence, exhorte sa troupe, atteint l’ennemi, fait prendre de bonnes positions à une partie de ses escadrons, et, à la tête des autres, engage le combat. La cavalerie ennemie résiste avec audace, appuyée qu’elle est par le corps entier des fantassins qui avaient fait halte pour lui porter secours. L’action fut très vive ; car nos cavaliers, méprisant des ennemis qu’ils avaient vaincus la veille ; et sachant que les légions étaient à leur suite, se battaient contre les fantassins avec une extrême valeur ; ils étaient animés et par la honte de reculer et par le désir de recueillir seuls toute la gloire de cette affaire. De leur côté, les ennemis, ne croyant pas avoir à combattre plus de troupes que la veille, pensaient avoir trouvé l’occasion de détruire notre cavalerie.

XXIX. Il y avait quelque temps que l’on combattait avec une égale opiniâtreté, lorsque Dumnacos mit son infanterie en bataille pour soutenir sa cavalerie. En ce moment paraissent tout à coup aux yeux des ennemis les légions en rangs serrés. À cette vue, frappés d’une terreur bientôt suivie du plus grand désordre dans les bagages, les Barbares, tant cavaliers que fantassins, s’enfuient çà et là en jetant de grands cris. Notre cavalerie, dont la valeur venait de triompher de la résistance des ennemis, transportée de joie à l’aspect du succès, et faisant partout entendre des cris de victoire, se jette sur les fuyards et en tue autant que les chevaux en peuvent poursuivre et que les bras en peuvent frapper. Ainsi périrent plus de douze mille hommes, soit les armes à la main, soit après les avoir jetées ; tout le bagage tomba en notre pouvoir.

XXX. Après cette déroute, cinq mille hommes au plus furent recueillis par le Sénon Drappès, le même qui, à la première révolte de la Gaule, avait rassemblé une foule d’hommes perdus, promis la liberté aux esclaves, fait appel aux exilés de tous les pays, et enrôlé des brigands, avec lesquels il interceptait nos bagages et nos convois. Dès qu’on sut qu’il marchait sur la province, de concert avec le Cadurque Luctérios (qui déjà, comme, on l’a vu au livre précédent, avait voulu y faire une invasion, lors du premier soulèvement de la Gaule), le lieutenant Caninius se mit à leur poursuite avec deux légions, pour éviter la honte de voir des hommes souillés de brigandages causer