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désavantage et de perte contre toutes ses troupes ; s’il amenait un plus grand nombre de légions, ils devaient se tenir dans le lieu qu’ils avaient choisi ; et se borner, en tendant des pièges aux Romains, à leur ôter les vivres et les fourrages, qui, vu l’époque où l’on se trouvait, étaient très rares et fort disséminés.

VIII. S’étant assuré de la vérité de ces faits par l’accord des témoignages, et trouvant ce plan rempli de prudence et bien éloigné de la témérité ordinaire aux Barbares (7), César jugea qu’il devait tout mettre en œuvre pour engager les ennemis, par le mépris de ses propres forces, à en venir aux mains avec lui le plus tôt possible. Il avait près de lui de vieilles légions d’un courage éprouvé, la septième, la huitième et la neuvième, et de plus la onzième, composée d’une jeunesse d’élite et de grande espérance, qui comptait déjà huit campagnes, mais n’avait pas encore, comparativement aux autres, la même réputation de valeur et d’ancienneté. Ayant donc convoqué un conseil, il y exposa tout ce qu’il avait appris, échauffa le courage de ses troupes, et régla sa marche de manière à attirer les ennemis au combat en ne leur montrant que trois légions. Les septième, huitième et neuvième devaient marcher en avant, tandis que toute la colonne des bagages (et ils étaient peu nombreux, comme il est d’usage dans de simples expéditions) viendrait à la suite sous l’escorte de la onzième, afin que les ennemis ne pussent voir que le nombre de légions qu’ils désiraient. Dans cet ordre, formant à peu près un bataillon carré, il arriva à la vue des ennemis plus tôt qu’ils ne s’y attendaient.

IX. Quand les Gaulois, dont la détermination avait été annoncée à César comme certaine, virent tout à coup les légions marcher à eux en ordre de bataille et d’un pas assuré, soit crainte de combattre, soit simple étonnement de notre arrivée soudaine, ou pour attendre le parti que nous prendrions, ils rangèrent leurs troupes en avant de leur camp et ne quittèrent point la hauteur. Quoiqu’il désirât de combattre, César, considérant cette multitude d’ennemis dont le séparait un vallon plus profond que large, se détermina à asseoir son camp en face du leur. Il ordonne d’élever un rempart de douze pieds avec un parapet proportionné à cette hauteur ; de creuser en avant deux fossés de quinze pieds, dont chaque côté était coupé en ligne droite ; il fait dresser un grand nombre de tours à trois étages, jointes ensemble par des ponts et des galeries, dont le front était garni de mantelets d’osier, de telle sorte que l’ennemi fût arrêté par un double fossé et par un double rang de combattants. Le premier rang sur les galeries, et conséquemment moins exposé, lançait ses traits avec plus d’assurance et de portée ; le second, placé sur le rempart même et plus près de l’ennemi, était protégé par la galerie contre la chute des traits (8). Il plaça des portes et de plus hautes tours aux issues du camp.

X. En se retranchant ainsi, il avait un double motif ; car d’une part il espérait que de si grands travaux, pris pour des marques de frayeur, augmenteraient la confiance des Barbares ; et comme, d’un autre côté, il fallait chercher au loin des