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reste de l’armée dans le pays fertile des Bituriges, qui, possédant un vaste territoire et beaucoup de places fortes, n’avaient pu être arrêtés par la présence d’une seule légion dans leurs préparatifs de guerre et leurs projets de révolte.

III. La soudaine arrivée de César produisit son effet nécessaire sur des hommes dispersés et qui n’étaient préparés à aucune défense : cultivant leurs champs sans défiance, ils furent écrasés par la cavalerie, avant de pouvoir se réfugier dans leurs villes. César, en effet, avait défendu d’incendier les habitations, signal ordinaire d’une invasion hostile, tant pour ne pas s’exposer à manquer de vivres et de fourrages, s’il voulait s’avancer dans le pays, que pour ne pas jeter la terreur parmi les habitants. On fit plusieurs milliers de captifs. Les Bituriges, qui purent s’échapper à notre première approche, s’enfuirent effrayés chez les nations voisines avec lesquelles ils avaient des alliances ou des liens particuliers d’hospitalité. Ce fut en vain ; César, par des marches forcées, arrivait sur tous les points, et ne laissait à aucune de ces nations le loisir de songer au salut des autres avant le sien. Cette célérité retenait dans le devoir les peuples amis, et ramenait à la soumission par la terreur ceux qui hésitaient encore. En cet état, les Bituriges, voyant que la clémence de César leur offrait un moyen de recouvrer son amitié, et que les états voisins n’avaient eu à subir d’autre peine que de livrer des otages, suivirent cet exemple.

IV. César, pour récompenser de tant de fatigues et de patience des soldats dont le zèle extrême n’avait été ralenti, pendant l’hiver, ni par la difficulté des chemins, ni par la rigueur de froids insupportables, promit de leur donner deux cents sesterces 6), et aux centurions deux mille écus ; puis, ayant renvoyé les légions dans leurs quartiers, il revint lui-même à Bibracte après une absence de quarante jours. Pendant qu’il y rendait la justice, les Bituriges lui envoyèrent des députés pour implorer son secours et se plaindre des Carnutes qui leur avaient déclaré la guerre. À cette nouvelle, et bien qu’il ne se fût pas écoulé plus de dix-huit jours depuis son retour à Bibracte, il tira les quatorzième et sixième légions de leurs quartiers d’hiver, près de la Saône, où il les avait placées pour assurer les vivres, comme il est dit au livre précédent. Il partit avec ces deux légions à la poursuite des Carnutes.

V. À la nouvelle de l’approche de l’armée, les ennemis, craignant le sort des autres peuples, évacuèrent les bourgs et les villes, où la nécessité leur avait fait dresser à la hâte de chétives cabanes pour passer l’hiver (car depuis leurs dernières défaites ils avaient abandonné plusieurs de leurs villes), et ils se dispersèrent de côté et d’autre. Comme César ne voulait point exposer l’armée à toutes les rigueurs de l’âpre saison où l’on était alors, il établit son camp à Genabum, ville des Carnutes, et logea les soldats, partie sous le toit des habitations gauloises, partie sous des tentes promptement recouvertes d’un peu de chaume. Cependant il envoya la cavalerie et l’infanterie auxiliaire partout où l’on disait que les ennemis s’étaient retirés. Ce ne fut pas en vain ;