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LXXI. Vercingétorix, avant que les Romains eussent achevé leur circonvallation, prit la résolution de renvoyer de nuit toute sa cavalerie. Avant le départ de ces cavaliers, il leur recommande « d’aller chacun dans leur pays, et d’enrôler tous ceux qui sont en âge de porter les armes ; il leur rappelle ce qu’il a fait pour eux, les conjure de veiller à sa sûreté et de ne pas l’abandonner, lui qui a bien mérité de la liberté commune, à la merci d’ennemis cruels ; leur négligence entraînerait, avec sa perte, celle de quatre-vingt mille hommes d’élite (19) ; il n’a de compte fait, de vivres que pour trente jours au plus ; mais il pourra, en les ménageant, tenir un peu plus longtemps. » Après ces recommandations, il fait partir en silence sa cavalerie ; à la seconde veille, par la où l’ouvrage était interrompu. Il se fait apporter tout le blé de la ville, et établit la peine de mort contre ceux qui n’obéiront pas ; quant au bétail dont les Mandubiens avaient rassemblé une grande provision, il le distribue par tête ; le grain est mesuré avec épargne et donné en petite quantité ; il fait rentrer dans la ville toutes les troupes qu’il avait disposées devant la place. C’est par ces moyens qu’il se prépare à attendre les secours de la Gaule et à soutenir la guerre.

LXXII. Instruit de ces dispositions par les transfuges et les prisonniers, César arrêta son plan de fortification comme il suit. Il fit creuser un fossé large de vingt pieds, dont les côtés étaient à pic et la profondeur égale à la largeur. Tout le reste des retranchements fut établi à quatre cents pieds en arrière de ce fossé (20) ; il voulait par là (car on avait été obligé d’embrasser un si grand espace, que nos soldats n’auraient pu aisément en garnir tous les points) prévenir les attaques subites ou les irruptions nocturnes, et garantir durant le jour nos travailleurs des traits de l’ennemi. Dans cet espace, César tira deux fossés de quinze pieds de large et d’autant de profondeur ; celui qui était intérieur et creusé dans les parties basses de la plaine, fut rempli d’eau tirée de la rivière. Derrière ces fossés, il éleva une terrasse et un rempart de douze pieds ; il y ajouta un parapet et des créneaux, et fit élever de grosses pièces de bois fourchues (21) à la jonction du parapet et du rempart, pour en rendre l’abord plus difficile aux ennemis. Tout l’ouvrage fut flanqué de tours, placées à quatre-vingts pieds l’une de l’autre.

LXXIII. Il fallait dans le même temps aller chercher du bois et des vivres, et employer aux grands travaux des retranchements les troupes, diminuées de celles qu’on employait au loin. Souvent encore les Gaulois essayaient de troubler nos travailleurs, et faisaient par plusieurs portes les sorties les plus vigoureuses. César jugea donc nécessaire d’ajouter quelque chose à ces retranchements, afin qu’un moindre nombre de soldats pût les défendre. À cet effet, on coupa des troncs d’arbres ou de fortes branches, on les dépouilla de leur écorce et on les aiguisa par le sommet ; puis on ouvrit une tranchée de cinq pieds de profondeur, où l’on enfonça ces pieux qui, liés par le pied de manière à ne pouvoir être arrachés,