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cines, et à se frayer un chemin sûr. Voyant que les travaux présentaient trop de difficultés, il sortit de son camp en silence à la troisième veille, et arriva à Melodunum[1] par le même chemin qu’il avait pris pour venir. C’est une ville des Sénons, située, comme nous l’avons dit de Lutèce, dans une île de la Seine. S’étant emparé d’environ cinquante bateaux, il les joignit bientôt ensemble, les chargea de soldats, et par l’effet de la peur que cette attaque inopinée causa aux habitants, dont une grande partie d’ailleurs avait été appelée sous les drapeaux de Camulogène, il entra dans la place sans éprouver de résistance. Il rétablit le pont que les ennemis avaient coupé les jours précédents, y fit passer l’armée, et se dirigea vers Lutèce en suivant le cours du fleuve. L’ennemi, averti de cette marche par ceux qui s’étaient enfuis de Metlosédum, fait mettre le feu à Lutèce, couper les ponts de cette ville ; et, protégé par le marais, il vient camper sur les rives de la Seine, vis-à-vis Lutèce et en face du camp de Labiénus.

LIX. Déjà le bruit courait que César avait quitté le siège de Gergovie ; déjà circulait la nouvelle de la défection des Héduens et des succès obtenus par la Gaule soulevée. Les Gaulois affirmaient, dans leurs entretiens, que César, à qui l’on avait coupé sa route et tout accès à la Loire, avait été, faute de vivres, forcé de se retirer vers la province romaine. De leur côté, les Bellovaques, instruits de la défection des Héduens, et déjà assez disposés à se soulever, se mirent à lever des troupes et à préparer ouvertement la guerre. Labiénus, au milieu de si grands changements, sentit qu’il fallait adopter un tout autre système que celui qu’il avait jusque-là suivi ; il ne songea plus à faire des conquêtes ni à harceler l’ennemi, mais à ramener l’armée sans perte à Agédincum. Car d’un côté, il était menacé par les Bellovaques, peuple jouissant dans la Gaule d’une haute réputation de valeur ; de l’autre, Camulogène, maître du pays, avait une armée toute formée et en état de combattre ; enfin un grand fleuve séparait les légions de leurs bagages et de la garnison qui les gardait. Il ne voyait contre de si grandes et si subites difficultés d’autre ressource que son courage.

LX. Ayant donc, sur le soir, convoqué un conseil, il engagea chacun à exécuter avec promptitude et adresse les ordres qu’il donnerait ; il distribua les bateaux, qu’il avait amenés de Metlosédum, à autant de chevaliers romains, et leur prescrivit de descendre la rivière à la fin de la première veille, de s’avancer en silence l’espace de quatre mille pas et de l’attendre là. Il laissa pour la garde du camp les cinq cohortes qu’il jugeait les moins propres à combattre, et commanda à celles qui restaient de la même légion de remonter le fleuve au milieu de la nuit, avec tous les bagages, en faisant beaucoup de bruit. Il rassembla aussi des nacelles et les envoya dans la même direction à grand bruit de rames. Lui-même, peu d’instants après, partit en silence avec trois légions, et se rendit où il avait ordonné de conduire les bateaux.

LXI. Lorsqu’on y fut arrivé, les éclaireurs de l’ennemi, placés sur toute la rive du fleuve, furent

  1. Melun.