Page:Salluste, Jules César, C. Velléius Paterculus et A. Florus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/286

Cette page n’a pas encore été corrigée

vallon couvert, un lieu boisé, un marais de difficile accès, qui leur offrit quelque espoir de sûreté ou de salut, ils s’y arrêtaient. Ces asiles étaient connus des habitants voisins, et la chose requérait beaucoup de prudence, non pour protéger le corps de l’armée, car elle n’avait, en masse, aucun danger à craindre de la part d’ennemis effrayés et dispersés, mais pour la conservation de chaque soldat ; et d’ailleurs le salut des individus intéressait celui de l’armée entière. L’appât du butin en entraînait plusieurs au loin, et l’incertitude des chemins, dans ces forêts épaisses, empêchait de marcher en corps de troupes. Si l’on voulait en finir, et exterminer cette race de brigands, il fallait former plusieurs détachements et laisser agir séparément les soldats. Si on voulait retenir ceux-ci près de leurs enseignes, suivant l’ordre et l’usage des armées romaines, la nature même des lieux faisait la sûreté des barbares, et ils ne manquaient pas d’audace pour dresser de secrètes embûches et envelopper nos soldats dispersés. Mais au milieu des difficultés de ce genre, il fallait employer toutes les précautions possibles ; il valait mieux, quelque désir de vengeance qui enflammât nos soldats, faire moins de mal à l’ennemi que d’exposer les troupes à trop de dangers. César envoie des messagers dans les pays voisins ; il les appelle tous à lui par l’espoir du butin, les invite à piller les Éburons, aimant mieux risquer, au milieu de ces forêts, la vie des Gaulois que celle des légionnaires ; il voulait au moyen de cette invasion d’une immense multitude, détruire jusque dans sa race et son nom une nation si criminelle. Une foule nombreuse arriva bientôt.

XXXV. Les choses se passaient ainsi sur tous les points du pays des Éburons, et l’on approchait de ce septième jour, auquel César avait fixé son retour près des bagages et de la légion qui les gardait. On vit alors tout ce que peut le hasard à la guerre et quels événements il produit. L’ennemi était dispersé et frappé d’épouvante : il n’avait, nous l’avons dit, aucune troupe capable d’inspirer la moindre crainte. Le bruit parvint au-delà du Rhin, chez les Germains, que le pays des Éburons était livré au pillage et que l’on conviait tous les peuples à cette proie. Deux mille cavaliers se réunissent chez les Sugambres, voisins du Rhin, et qui avaient, comme nous l’avons déjà vu, recueilli dans leur fuite les Tencthères et les Usipètes ; ils passent le Rhin sur des barques et des radeaux, à trente mille pas au-dessous de l’endroit où César avait établi un pont et laissé une garde. Ils envahissent d’abord les frontières des Eburons, ramassent une foule de fuyards dispersés, et s’emparent d’une grande quantité de bestiaux, dont les barbares sont très avides. L’appât du butin les entraîne plus avant. Il n’est ni marais ni bois capables d’arrêter ces hommes nés au sein de la guerre et du brigandage. Ils s’informent des prisonniers en quels lieux est César ; ils apprennent qu’il est parti au loin et que l’armée s’est retirée. Alors un des captifs leur dit : "Pourquoi poursuivre une paix si misérable et si mince, tandis que la plus haute fortune s’offre à vous ? En trois heures vous pouvez arriver de-