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tant de navires qui firent plusieurs fois le trajet cette année et la précédente, aucun de ceux qui portaient des soldats ne périt ; mais de ceux qui revenaient à vide de la Gaule, après y avoir déposé les soldats du premier transport, ainsi que des soixante navires construits par les soins de Labiénus, très peu abordèrent à leur destination ; presque tous furent rejetés sur la côte. César, après les avoir vainement attendus quelque temps, craignant que la saison ne l’empêchât de tenir la mer, à cause de l’approche de l’équinoxe, fut contraint d’entasser ses soldats. Par un grand calme, il leva l’ancre au commencement de la seconde veille, prit terre au point du jour, et vit tous les vaisseaux arriver à bon port (4).

XXIV. Quand il eut fait mettre les navires à sec et tenu à Samarobrive[1] l’assemblée de la Gaule, comme la récolte de cette année avait été peu abondante à cause de la sécheresse, il fut obligé d’établir les quartiers d’hiver de l’armée autrement que les années précédentes, et de distribuer les légions dans diverses contrées. Il en envoya une chez les Morins, sous les ordres du lieutenant C. Fabius ; une autre chez les Nerviens, sous le commandement de Q. Cicéron (5) ; une troisième chez les Essues[2], sous celui de L. Roscius ; une quatrième, avec T. Labiénus, chez les Rèmes, près des frontières des Trévires ; il en plaça trois dans le Belgium[3], et mit à leur tête M. Crassus, son questeur, L. Munatius Plancus (6) et C. Trébonius, ses lieutenants. La légion qu’il avait récemment levée au-delà du Pô et cinq cohortes furent envoyées chez les Éburons, dont le pays, situé en grande partie entre la Meuse et le Rhin, était gouverné par Ambiorix et Catuvolcos. César ordonna que ces soldats soient placés sous les ordres des légats Q. Titurius Sabinus et L. Aurunculéius Cotta. En distribuant les légions de cette manière, il espérait pouvoir remédier facilement à la disette des vivres ; et cependant tous ces quartiers d’hiver (excepté celui que devait occuper L. Roscius, dans la partie la plus paisible et la plus tranquille de la Gaule), étaient contenus dans un espace de cent mille pas. César résolut de rester dans le pays, jusqu’à ce qu’il eût vu les légions établies et leurs quartiers fortifiés.

XXV. Il y avait chez les Carnutes un homme de haute naissance, Tasgétios, dont les ancêtres avaient régné sur cette nation. César, en considération de sa valeur, de son zèle et des services importants qu’il lui avait rendus dans toutes les guerres, l’avait rétabli dans le rang de ses aïeux. Il régnait depuis trois ans, lorsque ses ennemis, ayant pour complices beaucoup d’hommes de sa nation, le massacrèrent publiquement (7). On instruisit César de cet événement : craignant ; vu le nombre des coupables, que le pays ne fût entraîné par eux à la révolte, il ordonna à L. Plancus de partir de Belgique avec sa légion, de se rendre en toute hâte chez les Carnutes, d’y établir ses quartiers, de saisir et de lui envoyer ceux qu’il saurait avoir pris part au meurtre de Tasgétios. Dans le même temps, il apprit par les rapports des lieutenants et des questeurs auxquels il avait donné le com-

  1. Amien, Samariviruva. Pont-sur-Somme était la capitale du pays des Ambiens.
  2. Les habitants de Séez, en Normandie.
  3. La Picardie, , l’Artois et le Beauvoisis.