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VIE DE SALLUSTE.

meurtre d’un lionme à qui elle croyait devoir beaucoup. Elle s’assembla toute la nuit dans le Forum et, vers le point du jour , counit en si grande foule à la maison de Clodius, qu’il y eut plusieurs personnes d’étouffées , entre autres le sénateur Vibiénns. Les tribuns du peuple , Munatius et Rufus, profilèrent de ce premier feu de la populace. Rufus proposait , entre autres choses , de déposer l’urne cinéraire de Clodius au Capitule, après ses obsèques. Ils étalèrent sur la tribune le cadavre nu et blessé de Clodius , à la vue duquel Salluste et Rufus prononcèrentcliacun contre Milon une harangue fulminante , qu’ils accompagnèrent de tous les gestes, de tous les cris capables de la rendre plus pathétique. Le peuple s’anima si cruellement à ce spectacle , que mettant à sa tête Se.xtus, secrétaire de Clodius, il enleva le cadavre , le transporta en pompe funèbre au milieu de la Curie hostilienne , où le sénat s’assemblait , entassa tous les bancs des sénateurs, les tribunaux, les bureaux , les registres, dont il forma un bûcher, au dessus duquel on plaça le corps, et on y mit le feu. Ce palais, si vaste et si magnifique, comme on en peut juger par les ruines qu’on en voit aujourd’hui, fut entièrement réduit en cendres, ainsi que la basilique Porcia qui le touchait. « V’oilà , » s’écrie là-de.ssus Ciccron , à quoi .se passent les » assemblées Améraires de ce tribun brûlé (parlant » de Munatius ou de Salluste), qui voudrait ptr^lla- ■> der au peuple (jue je suis le maître de toutes les a affaires : que le sénat n’ose pas dire son avis sur » tout ceci, et ne sait faire d’autres décrets que ceux » que je lui dicte. » Ce ne fut pas un premier mouvement du peuple dans sa fineur, mais une délibération prise. Les incendiaires se firent ap|iorter à manger sur la place, jusqu’à ce qu’ils eussent vu le palais entièrement consumé. Pendant ce temps-là, le secrétaire faisait voir aux assistants des tables de bronze , où son maître avait déjà fait graver chez lui plusieurs lois favorables aux gens du bas étage ; une entre autres qui donnait aux affranchis les droits de citoyen , et que Cicéron appelle, « cette noble » loi qui nous met au rang de nos valets. » Les incendiaires ne se levèrent de là que pour aller assiéger la maison de l’entre-roi Lépide, et brûler celle de Milon. Repoussés de toutes deux à coups de flèches par les gens de Milon, ils retournèrent prendre au bûcher de Clodius des tisons enflammés, qu’ils portèrent d’abord aux maisons d’Hypsniis et deScipion, puis au jardin (le Pompée, l’appelant tantôt leur consul , tantôt leur dictateur. De là ils retournèrent à la maison de Lépide, qu’ils tinrent assiégée pendant les cinq jours de son interrègne. Ils forcèrent enfin les portes , jetèrent par terre les images de ses ancêtres , déchirèrent tous les ouvrages de toiles et de broderies (|ue Cornélie , sa femme, faisait travailler dans son vestibule, et brisèrent même le lit de cette femme si respectable et si vertueuse. Ils auraient tout dt’truit, si les gens de Milon ne fussent venus à passer. Ce fut ce qui la sauva ; ils la lais- .sèrent, et les deux partis se jetèrent à grands coups les uns sur les autres. C’est ainsi que la fureur du peu|ile acheminait à grands pas Pompée vers l’objet de son ambition.

L’incendie du palais parut une action plus odieuse encore que l’assassinat de Clodius. Milon sentit tout l’avaniage qu’il en pouvait tirer. Ses adversaires venaient de se rendre aussi coupablesquelui ; ils’agissail donc de détourner l’atlcnlion du sénat de l’un des crimes, en la portant tout entièresur l’autre. Milon, loin de se montrer iniimidé et de .s’exiler volontairement , comme on lui en doiuiait le conseil et comme le bruit en courait, rentra dans Rome, suivi d’une multitude de valets et de paysans appelés de ses terres : il poussa l’audace jusqu’à se plaindre publiquement de l’affreuse pompe funèbre qu’on venait de faire au cadavre d’un séditieux. Il continua même à solliciter le consulat plus hautement que jamais. Il songea aussi à regagner Pompée par l’entremise d’un ami de Cicéron , Lucilius , proche parent de Pompée , dont la mère était de même nom , et qui fut charge de lui dire que Milon se désisterait de sa poursuite s’il le désirait ; à quoi répondit Pompée , 1) qu’il ne se mêlaitd’accepter ni de refuser personne, « et qu’il ne lui convenait pas de prévenir les volontés u du peuple romain. " Celle froide réponse fit comprendre aux partisans de Clodius qu’ils n’auraient pas de peine à les brouiller irrcmissibiement tous deux. On répandit le bruit que Milon voulait faire assassiner Pompée. Salluste alla prendre lui-même ce dernier , et , l’ayani amené sur la tribune en présence même du peuple , i lui ordonna de déclarer les indices qu’il avait là-dessus. Ponipte répliqua , u qu’un nommé Licinius lui était venu donner avis " que quelques esclaves de Milon étaient apostés « poiu- le tuer ; que néanmoins , lorsqu’il avait voulu i> demander justice à Milon de ces misérables, il 1) n’avait pu en obtenir auctme, Milon s’étant contenté de lui répondre qu’il avait donné la liberté à " une partie de ces gens-là , et que les autres ne I :ii 1’ avaient jamais appartenu ; qu’ayant porte plainte i> au juge, et traduit son dénonciateur Licinius, un » homme du peuple, qu’il ne connaissait que sous le u nom deLucius , avait fait des démarches directes Il pour gagner le juge. « Dès lors Pompée ne voulut plus voir Milon ni lui parler , continuant de feinilre beaucoup d’effroi du j» ril dont il se disait menacé. Milon même ayant encore été en personne (le 2(> janvier) à son jardin pour tâcher de lui parler , il lui fit refuser sa porte. Milon prit d’autres mesures ; il fit distribuer dans chatpie tribu 1000 as par lêle ; il gagna secrètement , par une somme d’argent con-sisidérable , deux tribuns ilu peuple , Cœlius et Manilius. Ces deux-ci , après avoir pris soin de rassembler im jour dans le Funu : tous les gens favorables à