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demander des subsistances ; T. Terrasidius, entre autres, fut délégué chez les Esuvii ; M. Trébius Gallus chez les Coriosolites ; Q. Vélanius avec T. Sillius chez les Vénètes.

VIII. Cette dernière nation est de beaucoup la plus puissante de toute cette côte maritime. Les Vénètes, en effet, ont un grand nombre de vaisseaux qui leur servent à communiquer avec la Bretagne ; ils surpassent les autres peuples dans l’art et dans la pratique de la navigation, et, maîtres du peu de ports qui se trouvent sur cette orageuse et vaste mer, ils prélèvent des droits sur presque tous ceux qui naviguent dans ces parages. Les premiers, ils retinrent Sillius et Vélanius, espérant, par ce moyen, forcer Crassus à leur rendre les otages qu’ils lui avaient donnés. Entraînés par la force d’un tel exemple, leurs voisins, avec cette prompte et soudaine résolution qui caractérise les Gaulois, retiennent, dans les mêmes vues, Trébius et Terrasidius ; s’étant envoyé des députés, ils conviennent entre eux, par l’organe de leurs principaux habitants, de ne rien faire que de concert, et de courir le même sort. Ils sollicitent les autres états à se maintenir dans la liberté qu’ils ont reçue de leurs pères, plutôt que de subir le joug des Romains. Ces sentiments sont bientôt partagés par toute la côte maritime ; ils envoient alors en commun des députés à Crassus, pour lui signifier qu’il eût à leur remettre leurs otages, s’il voulait que ses envoyés lui fussent rendus.

IX. César, instruit de ces faits par Crassus, et se trouvant alors très éloigné, ordonne de construire des galères sur la Loire, qui se jette dans l’Océan, de lever des rameurs dans la province, de rassembler des matelots et des pilotes. Ces ordres ayant été promptement exécutés, lui-même, dès que la saison le permet, se rend à l’armée. Les Vénètes et les autres états coalisés, apprenant l’arrivée de César, et sentant de quel crime ils s’étaient rendus coupables pour avoir retenu et jeté dans les fers des députés dont le nom chez toutes les nations fut toujours sacré et inviolable, se hâtèrent de faire des préparatifs proportionnés à la grandeur du péril, et surtout d’équiper leurs vaisseaux. Ce qui leur inspirait le plus de confiance, c’était l’avantage des lieux. Ils savaient que les chemins de pied étaient interceptés par les marées, et que la navigation serait difficile pour nous sur une mer inconnue et presque sans ports. Ils espéraient en outre que, faute de vivres, notre armée ne pourrait séjourner longtemps chez eux ; dans le cas où leur attente serait trompée, ils comptaient toujours sur la supériorité de leurs forces navales. Les Romains manquaient de marine et ignoraient les rades, les ports et les îles des parages où ils feraient la guerre ; la navigation était tout autre sur une mer fermée[1] que sur une mer aussi vaste et aussi ouverte que l’est l’Océan. Leurs résolutions étant prises, ils fortifient leurs places et transportent les grains de la campagne dans les villes. Ils réunissent en Vénétie le plus de vaisseaux possible, persuadés que César y porterait d’abord la guerre. Ils s’associent pour la faire les Osismes, les Lexoves[2], les Nan-

  1. La Méditerrannée.
  2. Peuple de Lisieux.