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blessures avaient épuisé les forces, s’appuyant sur leurs boucliers, recommençaient le combat ; que les valets, voyant l’ennemi frappé de terreur, se jetaient sans armes sur des hommes armés, et que les cavaliers, pour effacer la honte de leur fuite par des actes de courage, devançaient partout les légionnaires dans la mêlée. Mais les ennemis, dans leur dernier espoir de salut, déployèrent un tel courage, que, dès qu’il tombait des soldats aux premiers rangs, les plus proches prenaient leur place et combattaient de dessus leurs corps ; que, de ces cadavres amoncelés, ceux qui survivaient lançaient, comme d’une éminence, leurs traits sur les nôtres, et nous renvoyaient nos propres javelots. Il n’y avait plus à s’étonner que des hommes si intrépides eussent osé traverser une large rivière, gravir des bords escarpés et combattre dans une position désavantageuse, difficultés qu’avait aplanies la grandeur de leur courage.

XXVIII. Après cette bataille, où la race et le nom des Nerviens furent presque entièrement anéantis, les vieillards, que nous avons dit s’être retirés au milieu des marais avec les enfants et les femmes, instruits de ce désastre, ne voyant plus d’obstacles pour les vainqueurs ni de sûreté pour les vaincus, sur l’avis unanime de ceux qui survivaient à la bataille, envoyèrent des députés à César et se rendirent à lui. Rappelant le malheur de leur pays, ils dirent que le nombre de leurs sénateurs se trouvait réduit de six cents à trois seulement, et que de soixante mille hommes en état de porter les armes, il en restait à peine cinq cents. César voulut user de clémence envers ces infortunés suppliants, pourvut soigneusement à leur conservation, leur rendit leur territoire et leurs villes, et enjoignit aux peuples voisins de ne se permettre envers eux et de ne souffrir qu’il leur fût fait aucun outrage ni aucun mal.

XXIX. Les Atuatiques, dont il a été parlé plus haut, venaient avec toutes leurs troupes au secours des Nerviens ; dès qu’ils apprirent l’issue de la bataille, ils rebroussèrent chemin et retournèrent chez eux. Ayant abandonné leurs villes et leurs forts, ils se retirèrent avec tout ce qu’ils possédaient dans une seule place, admirablement fortifiée par la nature (10). Environnée sur tous les points de son enceinte par des rochers à pic et de profonds précipices, elle n’était accessible que d’un côté, par une pente douce, large d’environ deux cents pieds, et ils avaient pourvu à la défense de cet endroit au moyen d’une double muraille très élevée, en partie formée d’énormes quartiers de rocs et de poutres aiguisées. C’étaient des descendants de ces Cimbres et de ces Teutons, qui, marchant contre notre province et contre l’Italie, avaient laissé en deçà du Rhin les bagages qu’ils ne pouvaient transporter avec eux, en confiant la garde et la défense à six mille des leurs. Ceux-ci, après la défaite de leurs compagnons, avaient eu de longs démêlés avec les peuples voisins, attaquant et se défendant tour à tour ; et, après avoir fait la paix, ils s’étaient, d’un commun accord, fixés dans ces lieux.

XXX. À l’arrivée de notre armée, ils firent d’abord de fréquentes sorties et engagèrent de petits