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mage, n’y ayant pour eux aucun autre chemin, qu’ils le priaient d’y donner son consentement. » César, se rappelant que les Helvètes avaient tué le consul L. Cassius et repoussé son armée qu’ils avaient fait passer sous le joug[1], ne crut pas devoir leur accorder cette demande. Il ne pensait pas que des hommes pleins d’inimitié pussent, s’ils obtenaient la permission de traverser la province, s’abstenir de violences et de désordres. Cependant, pour laisser aux troupes qu’il avait commandées le temps de se réunir, il répondit aux députés « qu’il y réfléchirait, et que, s’ils voulaient connaître sa résolution, ils eussent à revenir aux ides d’avril. »

VIII. Dans cet intervalle, César, avec la légion qu’il avait avec lui et les troupes qui arrivaient de la Province, éleva, depuis le lac Léman, que traverse le Rhône, jusqu’au mont Jura, qui sépare la Séquanie de l’Helvétie, un rempart de dix-neuf mille pas de longueur et de seize pieds de haut : un fossé y fut joint (7). Ce travail achevé, il établit des postes, fortifie des positions, pour repousser plus facilement les Helvètes, s’ils voulaient passer contre son gré. Dès que le jour qu’il avait assigné à leurs députés fut arrivé, ceux-ci revinrent auprès de lui. Il leur déclara que les usages et l’exemple du peuple romain lui défendaient d’accorder le passage à travers la Province, et que, s’ils tentaient de le forcer, il s’y opposerait. Les Helvètes, déçus dans cette espérance, essaient de passer le Rhône, les uns sur des barques jointes ensemble et sur des radeaux faits dans ce dessein, les autres à gué, à l’endroit où le fleuve a le moins de profondeur, quelquefois le jour, plus souvent la nuit. Arrêtés par le rempart, par le nombre et par les armes de nos soldats, ils renoncent à cette tentative (8).

IX. Il leur restait un chemin par la Séquanie, mais si étroit qu’ils ne pouvaient le traverser malgré les habitants. N’espérant pas en obtenir la permission par eux-mêmes, ils envoient des députés à l’Éduen Dumnorix, pour le prier de la demander aux Séquanes. Dumnorix, puissant chez eux par son crédit et par ses largesses, était en outre l’ami des Helvètes, à cause de son mariage avec la fille de leur concitoyen Orgétorix. Excité d’ailleurs par le désir de régner, il aimait les innovations, et voulait s’attacher par des services un grand nombre de cités. Il consentit donc à ce qu’on lui demandait, et obtint des Séquanes que les Helvètes traverseraient leur territoire : on se donna mutuellement des otages ; les Séquanes s’engagèrent à ne point s’opposer au passage des Helvètes, et ceux-ci à l’effectuer sans violences ni dégâts.

X. On rapporte à César que les Helvètes ont le projet de traverser les terres des Séquanes et des Édues, pour se diriger vers celles des Santons[2], peu distantes de Toulouse, ville située dans la province romaine. Il comprit que, si cela arrivait, cette province serait exposée à un grand péril, ayant pour voisins, dans un pays fertile et découvert, des hommes belliqueux, ennemis du peuple romain. Il confie donc à son lieutenant T. Labiénus la garde du retranchement qu’il avait

  1. L’an de Rome 646.
  2. Peuple de la Saintonge.