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en bon citoyen, que l’une finisse et que l’autre soit juste et durable, examine d’abord ce qui est le plus convenable par rapport à toi-même, puisque c’est à toi qu’il appartient de concilier tous ces intérêts. Pour moi, je pense que toute domination cruelle est plus fâcheuse que durable ; que nul ne peut être à craindre pour beaucoup que beaucoup ne soient a craindre pour lui ; qu’une pareille vie est pleine de chances, car l’ennemi vous attaque de front, par derrière et sur les flancs, et l’on doit vivre sans cesse dans le péril et dans la crainte. Au contraire, ceux dont la bonté et la clémence ont tempéré le pouvoir, ne voient autour d’eux qu’objets agréables et riants, et ils trouvent plus de faveur chez leurs ennemis que les autres chez leurs concitoyens.

Va-t-on me reprocher de vouloir par ces conseils gâter ta victoire, et d’être trop indulgent aux vaincus ? Ai-je donc tort de croire qu’il faut accorder à des concitoyens ce qu’à l’exemple de nos ancêtres nous avons souvent accordé à des peuples étrangers nos ennemis naturels ? Ai-je tort de ne pas vouloir que chez nous, comme chez les barbares, on expie le meurtre par le meurtre et le sang par le sang ?

IV. Aurait-on déjà oublié le murmures qui ont éclaté, peu avant cette guerre, contre Cn. Pompée et la victoire de Sylla ? Domitius, Carbon, Brutus, et tant d’autres romains indignement immolés, bien que suppliants et désarmés, hors du champ de bataille et contre les lois de la guerre ? tant de citoyens renfermés dans le jardin public, et là égorgés comme un vil bétail (17) ? Hélas ! combien ces massacres clandestins de citoyens, et ces assassinats inopinés des pères et des fils dans les bras les uns des autres, et cette dispersion des femmes et des enfants, et ce pillage des maisons, combien tout cela, avant ta victoire, nous paraissait affreux et atroce ! Et voilà les excès auxquels ces mêmes hommes t’encouragent ! Avons-nous donc combattu pour décider à qui de Pompée ou de toi resterait le droit de maltraiter les Romains ! As-tu donc envahi et non pas recouvré la république ! Et ces vieilles troupes, les meilleures qui furent jamais, n’ont-elles donc, après leur temps de service, repris les armes contre leurs pères, leurs frères et leurs enfants, qu’afin que les hommes les plus dépravés pussent trouver dans le malheur public de quoi fournir à leur gloutonnerie, à leur monstrueuse débauche, et qu’ils flétrissent ta victoire, et souillassent de leurs infamies la gloire des gens de bien ? Car tu n’ignores pas, je pense, quelle a été leur conduite, leur retenue, alors même que le succès était encore douteux ; comment, au milieu de la guerre, plusieurs d’entre eux passaient leur temps dans les orgies ou avec des courtisanes ; ce qui eût été impardonnable à leur âge, même pendant les loisirs de la paix. Mais en voilà assez sur la guerre.

V. Quant à l’affermissement de la paix, auquel vous travaillez, toi et tous les tiens, examine d’abord, je te prie, combien cet objet est important : par là, séparant le bien du mal, tu t’ouvriras un chemin commode pour arriver à la vérité. Pour moi voici ma pensée : puisque tout ce qui a commencé doit finir, au temps marqué par les