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LETTRES DE C. C. SALLUSTE A C. CÉSAR.

SUR LE GOUVERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE.

PREMIÈRE LETTRE.

I. Je sais combien il est difficile et délicat de donner des conseils à un roi, à un général, enfin à tout homme qui occupe une haute position ; car autour d’eux des troupes de conseillers abondent, et personne n’a assez de pénétration ou de prudence pour prononcer sur l’avenir. Bien plus, souvent les mauvais conseils plutôt que les bons tournent à bien, parce que la fortune fait mouvoir presque tout au gré de son caprice. Pour moi, dans ma première jeunesse je me portai par goût aux affaires publiques, et j’employai à m’en instruire beaucoup de temps et de soins, non pas seulement dans l’intention de parvenir à des emplois que tant d’autres avaient obtenus par de coupables pratiques, mais encore afin de bien connaître la république au dedans et au dehors, ses forces, sa population, ses ressources. C’est pourquoi, l’esprit plein de ces études, je me suis décidé à faire à ta dignité le sacrifice de ma réputation et de mon amour-propre et à tout risquer, si je puis par là contribuer en quelque chose à ta gloire. Et ce n’est pas légèrement, ni pour flatter ta fortune, que j’ai conçu ce dessein ; mais parce que, entre toutes les qualités qui sont en toi, j’en ai découvert une vraiment admirable : c’est que ton âme est toujours plus grande dans les revers que dans la prospérité. Mais, par les dieux immortels (1), on le sait de reste, les hommes se lasseront plus tôt de louer et d’admirer ta magnanimité, que toi de faire des actions dignes de gloire.

II. J’ai reconnu, en effet, qu’il n’est rien de si profond dans une affaire que ta réflexion ne le saisisse aussitôt ; et, si je t’écris mes idées sur le gouvernement de la république, ce n’est pas que j’aie de ma sagesse ou de mes lumières une opinion exagérée ; c’est qu’au milieu de tes travaux guerriers, de tes combats, de tes victoires et du soin du commandement, j’ai cru devoir t’informer de l’état des choses à Rome. Car si tu n’avais pas d’autre