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n’avait pas encore remué, lorsque, de si m autorité privée, il avait déjîi pris les armes pour opprimer la liberté ; et tous, en secliercbant des prolecteurs ou des appuis, ont perverti l’esprit public. Cependant Lépidus n’était alors qu’un brigand qui n’avait sous ses ordres que des valets d’armée cl quelques sicaires, tous prêts à donner leur vie pour une journée de paie. Aujourd’hui c’est un proconsul revêtu d’un commandement , non plus acheté (8) , mais conféré par vous ; il a des lieutenants que la loi oblige à lui obéir. En outre, vers lui sont accourus les hommes les plus corrompus de chaque ordre , enflammés par l’indigence et par leurs passions, tourmentés par la conscience de leurs crimes, pour qui il n’est de repos que dans les séditions , et de troubles que dans la paix. Ces gens-là font naître le désordre du désordre et la guerre de la guerre : autrefois satellites de Saturninus , ensuite de Sulpicius, puis de Marins et de Damasippe , maintenant de Lépidus.

Que dis-je ? l’Étrurie et tout ce qui reste des partisans de la guerre lèvent dt^a la tête ; les Espagues sont excitées à la révolte , et Mitbridate, sur les frontières des seuls peuples dont les tributs alin)entent encore notre trésor, épie le moment de la guerre ; enûn , hormis un cl’.ef habile, rieu ne manque pour bouleverser l’empire.

Je vous en prie, je vous en conjure, pères conscrits, faites-y attention ; ne souffrez pas que la licence du crime atteigne comme une rage contagieuse ceux qui y ont échappé jusqu’ici. Car , lorsque les récompenses appartiennent aux méchants, on a bien de la peine à rester gratuitement homme de bien.

Attendez-vous donc que , reparaissant avec une armée, Lépidus envahisse Rome, le fer et la flamme à la main ? Il y a beaucoup moins loin da l’état actuel des choses "a cet attentat, qu’il n’y avait de la paix et de la concorde ’a la guerre civile qu’il a commencée contre toutes les lois divines et humaines, non pour venger ses injures ou celles de ses prétendus amis, mais pour renverser le» lois et la liberté. En effet, l’ambition et la crainte du châtiment le tourmentent et le déchirent ; irrésolu, inquiet, ne sachant s’arrêter "a rien, il craint le repos, il redoute la guerre ; il se voit contraint de renoncer ’a son luxe , à ses dissolutions ; et , en attendant , il abuse de votre indolence.

Pour moi , je ne saurais dire si c’est de voire part crainte, faiblesse ou folie ; car chacun do vous , ce me semble , demande à n’être pas atteint des maux qui vont tomber sur nous comme la foudre ; mais, pour les écarter, aucun ne fait le moindre effort. Et, je vous prie, considérez combien la nature des choses est changée. Autrefois les complots se tramaient en secret , et on les réprimait ouvertement ; et alors les gens de bien déjouaient les méchants sans peine : aujourd’hui la paix et la concorde sont troublées à ciel ouvert, et l’on se cache pour les défendre ; les amis du désordre sont en armes, et vous dans la crainte.

Qui vous arrête ? à moins peut-être qfio vous n’ayez hocle ou regret de bien faire. Seriez-vous ébranlés par les injonctions de Lépidus , qui veut , dit-il, qu’on restitue "a chacun son bien, et qui retient celui d’autrui ; qu’on abroge les lois dictées par la violence, et qui nous le commande les armes à la main ; qu’on rende leurs droits aux citoyens , qui , selon lui , ne les ont point perdus, et que, pour ramener la paix, on rétablisse en