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aîné, M. de Plassac-Méré, s’était aussi mêlé de bel-esprit, et il correspondait avec Balzac : c’est ce même M. de Plassac qui prétendait corriger le style de Montaigne. On a quelquefois confondu les deux frères[1]. Le chevalier ne commence à poindre dans les Lettres de Balzac qu’en l’année 1646 ; c’est bien à lui que ce grand complimenteur écrivait : « La solitude est véritablement une belle chose ; mais il y auroit plaisir d’avoir un ami fait comme vous, à qui l’on pût dire quelquefois que c’est une belle chose[2]. » Et encore : « Si je vous dis que votre laquais m’a trouvé malade, et que votre lettre ma guéri, je ne suis ni poëte qui invente, ni orateur qui exagère ; je suis moi-même mon historien qui vous rend fidèle compte de ce qui se passe dans ma chambre[3]. » Le chevalier, dans cette lettre, est traité comme un brave et comme un philosophe tout ensemble ; il avait servi avec honneur sur terre et sur mer[4]. Avant même de s’être retiré du service et dans les

  1. Voir dans les Éloges de quelques auteurs françois, par Jolly, l’article qui concerne M. de Méré ; M. de Plassac y est confondu avec son frère. Le volume imprimé des Lettres de M. de Plassac est de 1648.
  2. Lettre du 6 juin 1646.
  3. Lettre du 24 août 1646.
  4. Il servait encore en 1664, et il fit partie de l’expédition navale contre les pirates de Barbarie, laquelle, après un assez brillant début, eut une triste fin. Dans la Gazette extraordinaire du 28 août 1664, qui annonce la prise de la ville et du port de Gigèrie en Barbarie par les armées du Roy, sous le commandement du duc de Beaufort, général de Sa Majesté en Afrique, le chevalier a l’honneur d’être mentionné. Après le détail du débarquement et de la prise de la place, on y lit que, le lendemain, les Maures, qui s’étaient retirés sur les hauteurs, vinrent assaillir une garde avancée ; le duc de Beaufort, accouru au bruit de l’escarmouche, s’étant mis à la tête des Gardes, et le comte de Gadagne à la tête de Malte, repoussèrent vertement les assaillants : « Tous les officiers des Gardes qui étoient en ce poste, dit le bulletin, et ceux qui survinrent, tant de leur corps que de celui de Malle, s’y comportèrent très-dignement… Les chevaliers de Méré et de Chastenay y furent blessés des premiers. « On pourrait conjecturer, d’après