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EN MÉMOIRE
D’HENRI-BENJAMIN DE CONSTANT-REBECQUE,
Né à Lausanne en Suisse, Le 25 nov. 1767[1]
. Mort à ************* dans le comté
de***************
en Angleterre,
Le****** septembre 1787.

D’un bâtiment fragile, imprudent conducteur.
Sur des flots inconnus je bravais la tempête.
Sur deLa foudre grondait sur ma tête,
Sur deEt je l’écoutais sans terreur.
Mon vaisseau s’est brisé, ma carrière est finie.
J’ai quitté sans regret ma languissante vie,
J’ai cessé de souffrir en cessant d’exister.
Au sein même du port j’avais prévu l’orage ;
Sur deMais, entraîné loin du rivage,
À la fureur des vents je n’ai pu résister.
Sur deJ’ai prédit l’instant du naufrage,
Sur deJe l’ai prédit sans pouvoir l’écarter.
Un autre plus prudent aurait su l’éviter.
Sur deJ’ai su mourir avec courage,
Sur deSans me plaindre et sans me vanter.

« Pas tout à fait sans me vanter, pourtant, madame ; voyez l’épitaphe…

  1. Benjamin Constant, comme bien des gens, se trompait sur la date précise de sa naissance. Voici ce qu’on lit dans les registres de l’état civil de Lausanne : « Benjamin Constant, fils de noble Juste Constant, citoyen de Lausanne et capitaine au service des États-Généraux, et de feu madame Henriette de Chandieu, sa défunte femme, né le dimanche 25 octobre, a été baptisé en Saint-François, le 11 novembre 1767, par le vénérable doyen Polier de Bottens, le lendemain de la mort de madame sa mère. » Ainsi, Benjamin Constant, orphelin de mère, pouvait dire avec Jean-Jacques Rousseau : « Ma naissance fut le premier de mes malheurs. » On sent trop, en effet, qu’à tous deux la tendresse d’une mère leur a manqué.