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disent que tout est bien, et qui refusent de voir dans tout cet univers un état violent, absolument contre nature dans toute l’énergie du terme. Pour nous, madame, contentons-nous de savoir que tout a sa raison que nous connaîtrons un jour ; ne nous fatiguons point à chercher les pourquoi, même lorsqu’il serait possible de les entrevoir. La nature des êtres, les opérations de l’intelligence et les bornes des possibles nous sont inconnues. Au lieu de nous dépiter follement contre un ordre de choses que nous ne comprenons pas, attachons-nous aux vérités pratiques. Songeons que l’épithète de très-bon est nécessairement attachée à celle de très-grand ; et c’est assez pour nous : nous comprendrons que sous l’empire de l’Être qui réunit ces deux qualités, tous les maux dont nous sommes les témoins ou les victimes ne peuvent être que des actes de justice ou des moyens de régénération également nécessaires. N’est-ce pas lui qui a dit, par la bouche de l’un de ses envoyés : Je vous aime d’un amour éternel ? Cette parole doit nous servir de solution générale pour toutes les énigmes qui pourraient scandaliser notre ignorance. Attachés à un point de l’espace et du temps, nous avons la manie de rapporter tout à ce point ; nous sommes tout à la fois ridicules et coupables. »

En terminant, l’auteur s’adresse encore à l’Ombre chérie d’Eugène et retombe un peu dans la déclamation, au moins pour la forme ; mais les germes de son système de réversibilité et d’ordre providentiel viennent de se montrer et n’ont plus qu’à pousser leur développement. Comme saint Augustin, en présence des épouvantables catastrophes de son siècle, il conçoit sa Cité de Dieu.

Cité étrange chez l’un comme chez l’autre, plus belle de titre et de conception que justifiable de détail, dans laquelle le bon sens, la sagesse humaine, trouvent à s’achopper presque à chaque pas, mais où les esprits vraiment religieux se satisferont de quelques hautes clartés !

Le pamphlet publié et distribué à Chambéry en août 95, sous le nom de Jean-Claude Têtu, est une Provinciale savoyarde à la portée du peuple, une petite lettre de Paul-Louis en style du cru. Partant le sel en est gros et gris, mais il y en a sous la trivialité. Il s’agit de profiter du nouveau bail réclamé par la France au sujet de la Constitution de l’an III,