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et comme en volontaire dans les journaux. Plus d’une fois, m’assure-t-on, dans les moments d’urgence, il prêta sa plume aux discours de Boissy-d’Anglas et de ses autres amis. En 1801 enfin, il contribua au rétablissement des saines notions historiques et au redressement de l’opinion par deux publications importantes et qui méritent d’être rappelées.

La Politique de tous les Cabinets de l’Europe sous Louis XV et sous Louis XVI, contenant les écrits de Favier et la correspondance secrète du comte de Broglie, avait déjà paru en 93 ; mais M. de Ségur en donna une édition plus complète, accompagnée de notes et de toutes sortes d’additions qui en font un ouvrage nouveau où il mit ainsi son propre cachet. La politique extérieure de la France avait subi un changement décisif de système lors du traité de Versailles (1756), au début de la guerre de Sept Ans : de la rivalité jusqu’alors constante avec l’Autriche, on avait passé à une étroite alliance en haine du roi de Prusse et de sa grandeur nouvelle. Les principaux chefs et agents de la diplomatie secrète que Louis XV entretenait à l’insu de son ministère étaient très-opposés à cette alliance, selon eux décevante et inféconde, avec le cabinet de Vienne, et ils ne cessaient de conseiller le retour aux anciennes traditions où la France avait puisé si longtemps gloire et influence. Ils n’avaient pour cela qu’à énumérer, comme résultats du système contraire, les pertes de la dernière guerre, le partage honteux de la Pologne, et à constater une sorte d’abaissement manifeste du cabinet de Versailles dans les conseils de l’Europe. D’une autre part, il était incontestable que d’habiles ministres, tels que M. de Choiseul et M. de Vergennes, avaient su tirer de cette situation nouvelle, l’un par le Pacte de famille, l’autre à l’époque de la guerre d’Amérique, des ressources imprévues qui avaient balancé les désavantages et réparé jusqu’à un certain point l’honneur de notre politique. Élevé à l’école de ces deux ministres, M. de Ségur oppose fréquemment ses vues modérées et judicieuses aux raisonnements un peu exclusifs du comte