Page:Sainte-Beuve - Portraits littéraires, t2, nouv. éd.djvu/376

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Nous défendons à tous confiseurs, pâtissiers,
Marchands de beurre ainsi qu’à tous les épiciers,
De rien envelopper jamais dans cet ouvrage,
Quoiqu’à vrai dire il soit tout propre à cet usage ;
Ou bien paieront dix fois ce qu’alors il vaudra,
Modique châtiment qui nul ne ruinera.
Voulons que le précis du présent privilège
Soit écrit à la fin du livre qu’il protège ;
Que l’on y fasse foi comme à l’original,
Et que les gens de bien n’en disent point de mal.
Ordonnons à celui de nos gens qui sait lire
De bien exécuter ce que l’on vient d’écrire ;
De soutenir partout prose, vers et couplets,
Nonobstant les clameurs, nonobstant les sifflets :
Tel est notre plaisir et telle est notre envie.
Fait dans notre boudoir, bureau digne d’envie,
Le premier jour de l’an sept cent quatre-vingt-un,
Et de nos ans un peu plus que le vingt et un.

Signé d’Aguesseau, comtesse de Ségur.
Et plus bas, Laure de Ségur.
(C’était la fille de l’auteur, âgée alors de moins de trois ans.)

Pourtant les dépêches écrites par M. de Ségur durant sa campagne d’Amérique avaient donné de sa prudence et de sa finesse d’observation une assez haute idée, pour qu’au retour M. de Vergennes songeât à le demander au maréchal son père, et à le lancer activement dans la carrière des négociations. Le poste qu’on lui destinait au début était des plus importants : il s’agissait de représenter la France auprès de l’impératrice Catherine. Les études sérieuses et positives auxquelles dut se livrer à l’instant le jeune colonel devenu diplomate, témoignaient des ressources de son esprit et marquèrent pour lui l’entrée des années laborieuses. Ces années furent bien brillantes encore durant tout le cours de cette ambassade, où il sut se concilier la faveur de l’illustre souveraine et servir efficacement les intérêts de la France. Profitant de l’aigreur naissante qu’excitait contre les Anglais la