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préparé par l’auteur pour l’impression, qui, retiré, moyennant accord, des mains du premier éditeur, se publie aujourd’hui à Angers sous des auspices fidèles ; cette résurrection éveillera dans la patrie dijonnaise plus d’un écho. Je n’ai pas à entrer ici dans le détail du volume ; je n’ai fait autre chose que le caractériser par tout ceci, en racontant l’homme même : depuis la pointe des cheveux jusqu’au bout des ongles, Bertrand est tout entier dans son Gaspard de la Nuit. Si j’avais à choisir entre les pièces pour achever l’idée du portrait, au lieu des joujoux gothiques déjà indiqués, au lieu des tulipes hollandaises et des miniatures sur émail de Japon qui ne font faute, je tirerais de préférence, du sixième livre intitulé les Silves, les trois pages de nature et de sentiment, Ma Chaumière, Sur les Rochers de Chévremorte, et Encore un Printemps. La première doit être d’avant 1830, lorsqu’avec un peu de complaisance on se permettait encore de rêver un roi suzerain en son Louvre ; les deux autres portent leur date et nous rendent avec une grâce exquise le très-proche reflet d’une réalité douloureuse. Les voici donc, et avec leurs épigraphes, pompon en tête ; quand on cite le minutieux auteur, il y aurait conscience de rien oublier.

MA CHAUMIÈRE.
En automne, les grives viendraient s’y reposer,
  attirées par les baies au rouge vif du sorbier
  des oiseleurs.(Le baron R. Monthermé.)
(Le baron R. Monthermé.) 
Levant ensuite les yeux, la bonne vieille vit
comme la bise tourmentait les arbres et dissi-
pait les traces des corneilles qui sautaient sur
la neige autour de la grange.qui sautaient sur
 (Le poëte allemand Voss. – Idylle XIII.)

Ma chaumière aurait, l’été, la feuillée des bois pour parasol, et l’automne, pour jardin, au bord de la fenêtre, quelque mousse qui enchâsse les perles de la pluie, et quelque giroflée qui fleure l’amande.

Mais l’hiver, quel plaisir, quand le matin aurait secoué ses bou-