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peu connues, et la génération nouvelle voudra bien me pardonner de les citer assez au long, car ce qui est du cœur ne vieillit pas.

Enfin je suis loin des orages !
Les Dieux ont pitié de mon sort !
O mer, si jamais tu m’engages
A fuir les délices du port,

Que les tempêtes conjurées,
Que les flots et les ouragans
Me livrent encore aux brigands,
Désolateurs de nos contrées !

Quel fol espoir trompait mes vœux
Dans cette course vagabonde !
Le bonheur ne court pas le monde ;
Il faut vivre où l’on est heureux.

Je reviens de mes longs voyages
Chargé d’ennuis et de regrets,
Fatigué de mes goûts volages,
Vide des biens que j’espérais.

Dieux des champs ! Dieux de l’innocence !
Le temps me ramène à vos pieds ;
J’ai revu le ciel de la France,
Et tous mes maux sont oubliés.

Ainsi le pigeon voyageur,
Demi-mort et traînant son aile,
Revient, blessé par le chasseur,
Au toit de son ami fidèle.

Devais-je au gré de mes désirs
Quitter ces retraites profondes ?
Avec un luth et des loisirs
Qu’allais-je faire sur les ondes ?

Qu’ai je vu sous de nouveaux cieux ?
La soif de l’or qui se déplace