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revirent, plus. M. de Fontanes fut atteint, le 10 mars 1821, dans la nuit du samedi au dimanche, d’une attaque de goutte à l’estomac, qu’il jugea aussitôt sérieuse. Il appela son médecin, et fit demander un prêtre. Le lendemain, il semblait mieux ; après quelques courtes alternatives, dans l’intervalle desquelles on le retrouva plus vivant d’esprit et de conversation que jamais, l’apoplexie le frappa le mercredi soir. Le prêtre vint dans la nuit : le malade, en l’entendant, se réveilla de son assoupissement, et, en réponse aux questions, s’écria avec ferveur : « O mon Jésus ! mon Jésus ! » Poëte du Jour des Morts et de la Chartreuse, tout son cœur revenait dans ce cri suprême. Il expira le samedi 17 mars, à sept heures sonnantes du matin.

A deux reprises, dans la première nuit du samedi au dimanche, et dans celle du mardi au mercredi, il avait brûlé, étant seul, des milliers de papiers. Peut-être des vers, des chants inachevés de son poëme, s’y trouvèrent-ils compris. Il était bien disciple de celui qui vouait au feu l’Énéide.

On doit regretter que les œuvres de M. de Fontanes n’aient point pu se recueillir et paraître le lendemain de sa mort : il semble que c’eût été un moment opportun. Ce qu’on a depuis appelé le combat romantique n’était qu’à peine engagé, et sans la pointe de critique qui a suivi. Dans la clarté vive, mais pure, des premières Méditations, se serait doucement détachée et fondue à demi cette teinte poétique particulière qui distingue le talent de M. de Fontanes, et qui en fait quelque chose de nouveau par le sentiment en même temps que d’ancien par le ton. Sa strophe, accommodée à Rollin, aurait déploré tout haut la ruine du Château de Colombe, et noté à sa manière la Bande noire, contre laquelle allait tonner Victor Hugo. Les chants de la Grèce sauvée auraient pris soudainement un intérêt de circonstance, et trouvé dans le sentiment public éveillé un écho inattendu.

Aujourd’hui, au contraire, il est tard ; plusieurs de ces poésies, qui n’ont jamais paru, ont eu le temps de fleurir et de