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aucun compte à M. de Fontanes de ses efforts constamment religieux et même monarchiques au sein de l’Université. Enfin, le 17 février 1815, une ordonnance émanée du ministère Montesquiou détruisit l’Université impériale, et, dans la réorganisation qu’on y substituait, M. de Fontanes était évincé. Il l’était toutefois avec égard et dédommagement ; on y rendait hommage, dans le préambule, aux hommes qui avaient sauvé les bonnes doctrines au sein de l’enseignement impérial, et qui avaient su le diriger souvent contre le but même de son institution.

L’ordonnance fut promulguée le 21 février, et Napoléon débarquait le 5 mars. Il s’occupait de tout à l’île d’Elbe, et n’avait pas perdu de vue M. de Fontanes. En passant à Grenoble, il y reçut les autorités, et le Corps académique qui en faisait partie ; il dit à chacun son mot, et au recteur il parla de l’Université et du Grand-Maître : – « Mais, Sire, répondit le recteur, on a détruit votre ouvrage, on nous a enlevé M. de Fontanes ; » et il raconta l’ordonnance récente. – « Eh bien ! dit Napoléon pour le faire parler, et peut-être aussi n’ayant pas une très-haute idée de son Grand-Maître comme administrateur, vous ne devez pas le regretter beaucoup, M. de Fontanes : un poëte, à la tête de l’Université ! » Mais le recteur se répandit en éloges[1]. Napoléon crut volontiers que M. de Fontanes, frappé d’hier et mécontent, viendrait à lui.

Installé aux Tuileries, il songea à son absence ; il en parla. Une personne intimement liée avec M. de Fontanes fut autorisée à l’aller trouver et à lui dire : « Faites une visite aux

  1. Bien que M. de Fontanes ne fût pas précisément un administrateur, l’Université, sous sa direction, ne prospéra pas moins, grâce à l’esprit conciliant, paternel et véritablement ami des lettres, qu’il y inspirait. En face de l’Empereur, et particulièrement dans les Conseils d’Université que celui-ci présida en 1811, et auxquels assistait concurremment le ministre de l’intérieur, M. de Fontanes arrivant à la lutte bien préparé, tout plein des tableaux administratifs qu’on lui avait dressés exprès et représentés le matin même, étonna souvent