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madame de Fontanes dès qu’il eut cessé d’être président du Corps législatif : l’errata du Moniteur, au fond, était toujours là.

Un autre errata s’ajouta ensuite au premier, nous le verrons ; et, même en plein Empire, à dater d’un certain moment, il pouvait dire tout bas à sa muse intime dans ses tristesses de l’Anniversaire :

De tant de vœux trompés fais rougir mon orgueil !

Pourtant Fontanes continua, durant quatre années, de tenir sans apparence de disgrâce la présidence du Corps législatif. Proposé à chaque session par les suffrages de ses collègues, il était choisi par l’Empereur. La situation admise, on avait en lui par excellence l’orateur bienséant. Les discours qu’il prononçait à chaque occasion solennelle tendaient à insinuer au conquérant les idées de la paix et de la gloire civile, mais enveloppées dans des redoublements d’éloges qui n’étaient pas de trop pour faire passer les points délicats. Napoléon avait un vrai goût pour lui, pour sa personne et pour son esprit ; et lui-même, à ces époques d’Austerlitz et d’Iéna, avait, malgré tout, et par son imagination de poëte, de très-grands restes d’admiration pour un tel vainqueur. Mais un orage se forma : Napoléon était en Espagne, et de là il eut l’idée d’envoyer douze drapeaux conquis sur l’armée d’Estramadure au Corps législatif, comme un gage de son estime. Fontanes, en tête d’une députation, alla remercier l’Impératrice : celle-ci, prenant le gage d’estime trop au sérieux, répondit qu’elle avait été très-satisfaite de voir que le premier sentiment de l’Empereur, dans son triomphe, eût été pour le Corps qui représentait la Nation. Là-dessus une note, arrivée d’Espagne comme une flèche, et lancée au Moniteur, fit une manière d’errata à la réponse de l’Impératrice, un errata injurieux et sanglant pour le Corps législatif, qu’on remettait à sa place de con-