Page:Sainte-Beuve - Portraits littéraires, t2, nouv. éd.djvu/233

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

française en toutes choses, il ne haïssait pas dans le ménagement de la nature les allées de Le Nôtre et les directions de La Quintinie, comme, dans la récitation des vers, il voulait la mélopée de Racine. En se gardant de l’abondance brillante de Delille, il négligea la libre fraîcheur des poëtes anglais paysagistes, desquels il semblait tout voisin. Son descriptif, à lui, est plutôt né de l’Épître de Boileau à Antoine.

Son étude de Pope et son projet d’un poème sur la Nature le conduisirent aisément à son Essai didactique sur l’Astronomie : M. de Fontanes n’a rien écrit de plus élevé. Je sais les inconvénients du genre : on y est pressé, comme disait en son temps Manilius, entre la gêne des vers et la rigueur du sujet :

..... Duplici circumdalus aestu
Carminis et rerum........

Il faut exprimer et chanter, sous la loi du rhythme, des lois célestes que la prose, dans sa liberté, n’embrasse déjà qu’avec peine. Comme si ces difficultés ne se marquaient pas assez d’elles-mêmes, le poëte, dans sa marche logique et méthodique, dans sa pénible entrée en matière et jusque dans ce titre d’Essai, n’a rien fait pour les dissimuler. Mais combien ce défaut peu évitable est racheté par des beautés de premier ordre ! et, d’abord, par un style grave, ferme, soutenu, un peu difficile, mais par là-même pur de toute cette monnaie poétique effacée du xviiie siècle, par un style de bon aloi, que Despréaux eût contre-signé à chaque page, ce qu’il n’eût pas fait toujours, même pour le style de M. de Fontanes. Cette fois, l’auteur, pénétré de la majesté de son sujet, n’a nulle part fléchi ; il est égal par maint détail, et par l’ensemble il est supérieur aux Discours en vers de Voltaire ; il atteint en français, et comme original à son tour, la perfection de Pope en ces matières, concision, énergie :

Vers ces globes lointains qu’observa Cassini,