Page:Sainte-Beuve - Portraits littéraires, t2, nouv. éd.djvu/208

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans sa maladie, ainsi que dans les dispositions qu’elle avait faites il y a quelques années, et qui sont un modèle de tendresse, de délicatesse et d’éloquence du cœur.

« Vous parlerai-je du plaisir sans cesse renaissant que me donnait une confiance entière en elle, jamais exigée, reçue au bout de trois mois comme le premier jour, justifiée par une discrétion à toute épreuve, par une intelligence admirable de tous les sentiments, les besoins, les vœux de mon cœur ; et tout cela mêlé à un sentiment si tendre, à une opinion si exaltée, à un culte, si j’ose dire, si doux et si flatteur, surtout de la personne la plus parfaitement naturelle et sincère qui ait jamais existé ?

« C’est lundi que cette angélique femme a été portée, comme elle l’avait demandé, auprès de la fosse où reposent sa grand’mère, sa mère et sa sœur, confondues avec seize cents victimes[1] ; elle a été placée à part, de manière à rendre possibles les projets futurs de notre tendresse. J’ai reconnu moi-même ce lieu lorsque George m’y a conduit jeudi dernier, et que nous avons pu nous agenouiller et pleurer ensemble.

« Adieu, mon cher ami ; vous m’avez aidé à surmonter quelques accidents bien graves et bien pénibles auxquels le nom de malheur peut être donné jusqu’à ce qu’on ait été frappé du plus grand des malheurs du cœur : celui-ci est insurmontable ; mais, quoique livré à une douleur profonde, continuelle, dont rien ne me dédommagera ; quoique dévoué à une pensée, un culte hors de ce monde (et j’ai plus que jamais besoin de croire que tout ne meurt pas avec nous), je me sens toujours susceptible des douceurs de l’amitié… Et quelle amitié que la vôtre, mon cher Maubourg !

« Je vous embrasse en son nom, au mien, au nom de tout ce que vous avez été pour moi depuis que nous nous connaissons. »


La Fayette rentre en scène en 1815, et, à part deux ou trois années de retraite encore au commencement de la seconde

    puissant. C’est lui qui nous a châtiés à cause de nos iniquités, et c’est lui qui nous sauvera pour signaler sa miséricorde. Considérez donc la manière dont il nous a traités, bénissez-le avec crainte et avec tremblement, et rendez hommage par vos œuvres au Roi de tous les siècles. Pour moi je le bénirai dans cette terre où je suis captive, etc. » (Tobie, chap. XIII, v. 2, 3, 4, 5, 6 et 7.)

  1. Dans le cimetière de Picpus.