Page:Sainte-Beuve - Portraits littéraires, t1, nouv. éd.djvu/471

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Dans leur nid d’ambroisie épiant les abeilles,
Et du parterre en fleurs suivant les longs détours.

Elle était bien jolie, au bal de la soirée,
Quand l’éclat des flambeaux illuminait son front,
Et que, de bleus saphirs ou de roses parée,
De la danse folâtre elle menait le rond.

Elle était bien jolie, à l’abri de son voile
Qu’elle livrait flottant au souffle de la nuit,
Quand pour la voir, de loin, nous étions là, sans bruit,
Heureux de la connaître au reflet d’une étoile.

Elle était bien jolie ; et de pensers touchants,
D’un espoir vague et doux chaque jour embellie,
L’amour lui manquait seul pour être plus jolie !…
— « Paix ! voilà son convoi qui passe dans les champs !… »

Idylle et catastrophe, une vive et brillante promesse interceptée, son imagination avait pris de bonne heure ce tour dans le sentiment de sa propre destinée et dans l’expérience des malheurs particuliers, réels, auxquels il est temps de venir.

Nous serons bref dans un détail que lui-même nous a orné de couleurs si vivantes en mainte page de ses Souvenirs. Il suffira de nous rabattre à quelques points précis et moins illustrés. En 1802, la Napoléone, dont les copies se multiplièrent à l’infini, et une foule de petits écrits séditieux qui s’imprimaient clandestinement chez le républicain Dabin et se distribuaient sous le manteau, attirèrent les recherches de la police. Dabin fut arrêté. On m’assure que Nodier, dans un moment d’exaltation généreuse, écrivit à Fouché et se dénonça lui-même comme auteur de la Napoléone[1]. Quoi

  1. Depuis que cette notice est écrite, je suis arrivé à recueillir des informations tout à fait exactes et singulières sur ce point de la vie de Nodier. Ce fut lui qui se dénonça en effet par une lettre, dont voici le texte dans toute son excentricité, et qui sent son Werther au premier chef :
    « Parvenu au comble de l’infortune et du désespoir ; abandonné