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formules indéfinies. Cet ouvrage, qui avait été mené presque à fin, n’a jamais paru. C’est vers ce temps que M. Ampère lut dans le Moniteur le programme du prix de 60,000 francs proposé par Bonaparte, en ces termes : « Je désire donner en encouragement une somme de 60,000 francs à celui qui, par ses expériences et ses découvertes, fera faire à l’électricité et au galvanisme un pas comparable à celui qu’ont fait faire à ces sciences Franklin et Volta,… mon but spécial étant d’encourager et de fixer l’attention des physiciens sur cette partie de la physique, qui est, à mon sens, le chemin des grandes découvertes. » M. Ampère, aussitôt cet exemplaire du Moniteur reçu de Lyon, écrivait à sa femme : « Mille remercîments à ton cousin de ce qu’il m’a envoyé, c’est un prix de 60,000 francs que je tâcherai de gagner quand j’en aurai le temps. C’est précisément le sujet que je traitais dans l’ouvrage sur la physique que j’ai commencé d’imprimer ; mais il faut le perfectionner, et confirmer ma théorie par de nouvelles expériences. » Cet ouvrage, interrompu comme le précédent, n’a jamais été achevé. Il s’écrie encore avec cette bonhomie si belle quand elle a le génie derrière pour appuyer sa confiance : « Oh ! mon amie, ma bonne amie ! si M. de Lalande me fait nommer au Lycée de Lyon et que je gagne le prix de 60,000 francs, je serai bien content, car tu ne manqueras plus de rien… » Ce fut Davy qui gagna le prix par sa découverte des rapports de l’attraction chimique et de l’attraction électrique, et par sa décomposition des terres. Si M. Ampère avait fait quinze ans plus tôt ses découvertes électro-magnétiques, nul doute qu’il n’eût au moins balancé le prix. Certes, il a répondu aussi directement que l’illustre Anglais à l’appel du premier Consul, dans ce chemin des grandes découvertes : il a rempli en 1820 sa belle part du programme de Napoléon.

Mais une autre idée, une idée purement mathématique, vint alors à la traverse dans son esprit. Laissons-le raconter lui-même :