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nécessaire ; aussi imprima-t-il au Globe le caractère de sa propre physionomie. M. Leroux y maintint toutefois sur le second plan l’exécution de son projet ; et toute cette matière de voyages, de faits étrangers, de particularités scientifiques, qui occupa longtemps les premières pages du Globe avant l’invasion de la politique quotidienne, était ménagée par lui. Sous le rapport des doctrines et de l’influence morale, M. Leroux ne se fit d’ailleurs au Globe, jusqu’en 1830, qu’une position bien inférieure à ses rares mérites et à sa portée d’esprit ; par modestie, par fierté, cachant des convictions entières sous une bonhomie qu’on aurait dû forcer, il s’effaça trop ; quatre ou cinq morceaux de fonds qu’il se décida à y écrire frappèrent beaucoup, mais ne l’y assirent pas au rang qu’il aurait fallu. Il dirigeait le matériel du journal, mais en fait d’idées il y passa toujours plus ou moins pour un rêveur. Ses opinions, afin de prévaloir, avaient besoin d’arriver par M. Dubois[1].

M. Dubois s’était donc mis à l’œuvre en septembre 1824, secondé de M. Leroux, et moyennant les avances financières de M. Lachevardière. MM. Jouffroy et Damiron, ses amis intimes, ne pouvaient lui manquer. M. Trognon travailla aussi dès les premiers numéros. Comme il y avait exposition de

  1. Nous laissons subsister cette page qui fut exacte, nous la maintenons, bien que nos sentiments et nos jugements à l’égard de M. Leroux aient changé à mesure qu’il changeait lui-même. Ce n’est plus de sa modestie qu’il semblerait à propos de venir parler aujourd’hui. Lui aussi il est entré à pleines voiles, comme tant d’autres, dans cet Océan Pacifique de l’orgueil, et il a franchi son détroit de Magellan. Nous l’avions connu et aimé homme distingué, nous l’abandonnons révélateur et prophète. Mais nous irions jusqu’à regretter de l’avoir connu et loué, quand nous le voyons provoquer l’outrage, à propos de Jouffroy mort, contre les amis les plus chers et les plus consciencieux de cet homme excellent, quand nous le voyons déverser l’amertume sur l’irréprochable et intègre M. Damiron ; et tout cela parce que M. Leroux veut faire de Jouffroy son précurseur comme il a fait de M. Cousin son Antechrist. — Qu’il nous suffise de répéter ici que, nonobstant toutes les variations subséquentes, cet historique du Globe reste d’une parfaite exactitude.