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VICTOR HUGO.

Les douze ou treize pièces amoureuses, élégiaques, qui forment le milieu du recueil dans sa partie la plus vraie et la plus sincère, sont suivies de deux ou trois autres, et surtout d’une dernière, intitulée Date Lilia, qui a pour but, en quelque sorte, de couronner le volume et de le protéger. Littérairement, ces pièces finales, prises en elles-mêmes, sont belles, harmonieuses, pleines de détails qui peuvent sembler touchants. En admirant dans le voile l’éclat du tissu, il nous a paru toutefois qu’il y a eu parti-pris de le broder de cette façon pour l’étendre ensuite sur le tout. Cette mythologie d’anges qui a succédé à celle des nymphes, les fleurs de la terre et les parfums des cieux, un excès même de charité aumônière et de petits orphelins évoqués, tout cela nous a paru, dans ces pièces, plus prodigué qu’un juste sentiment de poésie domestique n’eût songé à le faire. On dirait qu’en finissant l’auteur a voulu jeter une poignée de lis aux yeux. Nous regrettons que l’auteur ait cru ce soin nécessaire. L’unité de son volume en souffre ; son titre de Chants du Crépuscule n’allait pas jusqu’à réclamer cette dualité. Le même manque de tact littéraire (au milieu de tant d’éclat et de puissance !) qui plus haut, nous l’avons vu, lui a fait comparer l’harmonie de l’orgue à l’eau d’une éponge, et parler du sourire fatal de la résignation à propos de Pétrarque, lui a inspiré d’introduire dans la composition de son volume deux couleurs qui se heurtent, deux encens qui se repoussent. Il n’a pas vu que l’impression de tous serait qu’un objet respecté eût été mieux honoré et loué par une omission entière.