« — Quelle carrière pour Lamartine depuis le jour où il chantait dans l’Isolement :
Souvent sur la montagne, à l’ombre du vieux chêne,
Au coucher du soleil tristement je m’assieds !…
depuis ce jour-là jusqu’à la soirée du 24 février !
« Que de chemin depuis le jour où, répondant à un ami[1] qui l’aiguillonnait au début et qui lui disait en vers : N’as-tu pas l’âge de la gloire ? il s’écriait comme le plus tendre et le plus consumé des amants :
La gloire est le rêve d’une ombre.
Ce dernier souffle de ma vie !
Je veux le garder pour aimer.
« Pour le bien comprendre et pour deviner dans le poëte tout l’homme qui en est sorti, il faut lire le passage de Novissima verba :
Aux faux biens d’ici-bas nous dévouons nos cœurs,…
et les Préludes :
Non, non, brise à jamais cette corde amollie…
Ce qu’il disait là et ce qu’il chantait encore, il l’a fait depuis. »
« — J’ai fait autrefois ce vers que je crois très-juste :
Lamartine ignorant, qui ne sait que son âme.
Mais le correctif essentiel doit être aussitôt dans ce mot de Béranger :
« Lamartine ne sait pas toutes les idées qu’il a[2]. »
« — J’aimais, j’adorais dans Lamartine le poëte, mais il y a longtemps que j’ai fui en lui l’ambitieux.
- ↑ M. Rocher, depuis conseiller à la Cour de Cassation, l’un des plus anciens amis de Lamartine, à qui il prêtait quelquefois son appartement rue Saint-Dominique pour des déjeuners de jeunesse. C’est dans l’une de ces gaies réunions qu’il lui avait adressé une ode pour l’exhorter aux beaux vers et à l’ambition lyrique. J’ai entendu réciter cette ode à M. Rocher lui-même ; Lamartine lui répondit par l’ode de l’Enthousiasme.
- ↑ Un mot que Béranger a cru devoir démentir dans le temps, mais trop joli et trop vrai pour qu’il ne l’ait pas dit.