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fait cette théorie de négligence et de laisser aller indéfini que trop d’autres pièces confirment sans en parler. M. Adolphe Dumas, homme d’imagination généreuse et d’essor aventureux, écrivit, à ce qu’il paraît, à M. de Lamartine une épître pour le consoler du peu de succès de son Ange : c’était lui signifier ce peu de succès, et j’imagine que le premier mouvement dut être une légère impatience contre le consolateur malencontreux. Oh ! pourquoi M. de Lamartine n’a-t-il pas cédé à ce mouvement ? Pourquoi pas un grain d’ironie dès l’abord ? Cela eût relevé un peu l’éloge qui ne va pas moins, en vingt vers, qu’à comparer M. Adolphe Dumas à Horace, ce Béranger romain ! Je ne connais pas l’épître, mais il me paraît impossible que M. Adolphe Dumas ressemble à Horace ; il a de l’élévation, du mysticisme, du socialisme, des portions hautes et rudes de talent ; comparez-le à Dante le théologien, si vous le voulez absolument, ou à l’Eschyle du Prométhée encore, ou, au pis, à Claudien,… mais à Horace ! Le poëte le lui redit en vingt façons ; il croyait lire Tibur, à l’exergue de la bague (du cachet), mais c’était Eyrague ; la dureté du vers l’a puni de sa pensée[1].

  1. Oui, M. Adolphe Dumas est Horace selon Lamartine, à peu près, comme M. Méry est fils de Virgile, selon Victor Hugo :

     
    …Méry, le poëte charmant
    Que Marseille la Grecque, heureuse et noble ville,
    Blonde fille d’Homère, a fait fils de Virgile !


    Cela se lit dans cette gracieuse pièce, les Oiseaux envolés des Voix intérieures. Quoi ! Virgile, le plus pieux, le plus chaste et le plus sensible des poëtes, le voilà père d’un spirituel et sémillant improvisateur ! Encore si M. Hugo avait dit fils de Stace. — Quel