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Le jardin, qu’à grand’peine un quart d’arpent compose,
Comme un autre a son lis, son œillet et sa rose.
Un lilas, à sa porte, annonce le printemps ;
Un cyprès nous y dit : « Tout passe avec le temps. « 
Le charmant rousselet, la bergamote encore,
D’un duvet parfumé s’y couvre et se décore, etc., etc.


En Angleterre, avant ces derniers temps, avant les réformes qui menacent, la situation d’un curé de campagne, dans un joli pays, entouré d’une tendre famille, avec de grandes roses de mer au seuil du logis et à la fenêtre, était un rêve d’idylle tout trouvé. Thompson, fils d’un ministre, avait gardé sans doute pour ses fraîches peintures bien des réminiscences gracieuses d’enfance. Le tendre William Cowper était le sixième fils d’un Révérend, car les Révérends, d’ordinaire, avaient six ou dix enfants. Avec ces nombreuses familles, ou même sans cela, la réalité était parfois pour eux moins fleurie que le rêve du poëte. Penrose, s’il m’en souvient, s’est plaint de cette vie si pauvre, si condamnée à une fatigue que la dime toujours ne nourrissait pas. Hervey, le chantre méditatif, souffrait de la gêne. Mais celui qui a le mieux exprimé cette autre face du tableau, et qui a pris en main avec génie la cause du vrai et de la vie non convenue, dans la peinture des curés et des vicaires, c’est Crabbe. Après une jeunesse pleine de misère, étant entré lui-même dans cette humble condition de recteur de village ou de bourg, il en a retracé les alentours, les accidents de ridicule, de sujétion ou de souffrance, avec une vigueur sagace et mordante. Son premier poëme, le