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et rentrer dans l’interprétation individuelle. Il y a de plus, envers le Saint-Simonisme, qui, à un certain moment, s’est appelé le nouveau christianisme, une sorte d’ingratitude à lui reprocher sa tentative qu’on imite : car c’est bien à lui qu’appartient cette pensée, mise en œuvre depuis, que le salaire n’est que l’esclavage prolongé. Au reste, M. de La Mennais est tenu de nous donner, sur ce point du vrai christianisme qu’il professe aujourd’hui, des explications plus précises. Croit-il au mal ? Croit-il à la réhabilitation de la matière, comme on dit ? Son principe de liberté, qui est tout protestant, l’empêche d’être du christianisme organique, comme l’entend M. Buchez. Sa manière de philosophiser le christianisme est-elle tout simplement, avec plus de ferveur et d’impulsion, un pur déisme avec morale évangélique, comme par exemple la religion de MM. Jouffroy et Damiron, et, si l’on veut aller au plus loin dans ce sens, est-elle un socinianisme humanitaire ? En vérité, jusqu’à nouvel ordre, jusqu’à ce que M. de La Mennais ait articulé expressément l’ingrédient caractéristique de son véritable christianisme, je penche pour cette dernière supposition. En tout cas, on a droit de réclamer là-dessus d’autre parole que celle-ci (page 179) : « Des sentiments nouveaux, de nouvelles pensées annoncent une ère nouvelle. » Ces derniers temps ont un peu trop usé le vague du symbole.

On prendrait, d’après notre sèche discussion, une idée bien inexacte du dernier livre de M. de La Mennais, si l’on ne s’attendait pas cependant à y trouver