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« Et au lieu du faible crépuscule que nous appelons jour, une lumière vive et pure rayonnera d’en haut, comme un reflet de la face de Dieu.

« Et les hommes se regarderont à cette lumière, et ils diront : « Nous ne connaissions ni nous ni les autres, nous ne savions pas ce que c’est que l’homme : à présent nous le savons. »

« Et chacun s’aimera dans son frère, et se tiendra heureux de le servir ; et il n’y aura ni petits ni grands, à cause de l’amour qui égale tout, et toutes les familles ne seront qu’une famille, et toutes les nations qu’une nation.

« Ceci est le sens des lettres mystérieuses que les Juifs aveugles attachèrent à la croix du Christ. »

Le sentiment populaire respire dans chacune de ces pages. La liberté n’y revient pas comme un mot sonore et creux ; il y a une intelligence précise des misères du pauvre et des iniquités qu’il subit. Quelques droites paroles mettent au défi tous les sophismes des législateurs :

« Les oiseaux du ciel et les insectes mêmes s’assemblent pour faire en commun ce qu’aucun d’eux ne pourrait faire seul. Pouvez-vous vous assembler pour traiter ensemble de vos intérêts, pour défendre vos droits, pour obtenir quelque soulagement à vos maux ? et si vous ne le pouvez pas, comment êtes-vous libres ?

« Pouvez-vous aller d’un lieu à un autre si on ne vous le permet, user des fruits de la terre et des productions de votre travail, tremper votre doigt dans l’eau de la