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avec le commencement ? s’est-il perpétué dans les âges, et savons-nous où l’interroger aujourd’hui ? Ce sont des questions immenses dans lesquelles M. de La Mennais procède par voie d’information historique et de témoignage. Les temps antérieurs à Moïse et les formes nombreuses de la gentilité, la révélation spéciale du législateur hébreu, la révélation sans limite de Jésus et l’Église romaine qui en est la permanente dépositaire, se déroulent tour à tour devant lui et composent les pièces principales de ce merveilleux enseignement : tout le programme de la future science catholique est là. M. de La Mennais n’a fait qu’en ébaucher vigoureusement les grandes masses, et, comme ce n’est pas une perfection apparente qu’il cherche, il y a des côtés de ce beau livre qu’il n’achèvera jamais. D’autres le feront ; l’Orient pour cela, l’époque pélasgique et le haut paganisme sont à mieux connaître. Mais ce qu’il y a d’incomplet dans l’exposition de l’auteur, ce qu’il y aura toujours d’inconnu dans la science historique future, n’est pas un motif, on le sent, pour que l’adhésion individuelle demeure indéfiniment suspendue. Car ce n’est pas avec une raison lucide seulement qu’il convient de se livrer à cette investigation, trop variable selon les lumières ; c’est avec des qualités religieuses de l’esprit et du cœur, qui soutiennent dans le chemin, le devinent aux places douteuses, et en dispensent là où il ne conduit plus. Dieu aidant, il n’est pas indispensable d’avoir marché jusqu’au bout pour être arrivé, et même on ne mériterait pas d’arriver du tout si, après un certain terme, on avait besoin de marcher toujours.