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Pour ceux qui cherchent dans les moindres détails des traits de caractère, ajoutons que M. de La Mennais, quand il était dans le monde, avait une passion extrême pour faire des armes, et qu’il donnait souvent à l’escrime des journées entières : ce sera un symbole de polémique future, si l’on veut. On dit même qu’un duel qu’il fut près d’avoir (ou qu’il eut) eut une grande influence sur sa conversion. De plus, il nageait avec excès et jusqu’à l’épuisement, ainsi que Byron ; il aimait les violentes courses à cheval dans le goût d’Alfieri, de même qu’aux champs il grimpait à l’arbre comme un écureuil. Plus enfant, m’a-t-on dit, à Saint-Malo, dans sa petite chambre haute (contraste charmant de goûts qui le peint d’avance), il avait aimé à faire de la dentelle. Dans le temps qu’il demeurait à Saint-Malo, chez sa sœur, il lisait beaucoup toutes sortes de livres, des romans en quantité, et puis on en causait comme en un bureau d’esprit avec passion ; il y mêlait une gaieté très-active. Entre son retour complet à la religion et la tonsure, entre la tonsure et son entrée définitive dans les ordres, plusieurs années se passèrent pour M. de La Mennais ; il ne fut tonsuré en effet qu’en 1809, et ordonné prêtre qu’en 1816. Dès 1807, nous voyons paraître de lui une traduction exquise du Guide spirituel, petit livre ascétique du bienheureux Louis de Blois[1] ; la préface, aussi parfaite de style que tout ce que l’auteur

    de son âme, ses naïves et fougueuses échappées dans les choses, n’ayant pas été attendri ni réduit dans l’âge par l’humaine passion.

  1. Quérard met cette publication en 1809. Mes notes ont pu me tromper.