Page:Sainte-Beuve - Poésies 1863.djvu/631

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
309
NOTES ET SONNETS.

À voir son front je pressens et redoute.
Calme tes pleurs, calme tes pleurs !

Ainsi mûrit sa jeunesse secrète.
De ses douleurs elle enferme l’aveu ;
Quand Je mal gagne, elle est plutôt muette,
Pense à sa mère et ne se plaint qu’à Dieu.
Dans son fauteuil, aux heures moins souffrantes.
Douce, au soleil ranimant ses pâleurs,
Quand fuit l’automne aux langueurs enivrantes,
Elle à joui des nuances mourantes ;
Calme tes pleurs, calme tes pleurs !

Elle a joui des lenteurs refusées
À l’âge ardent qui foule le gazon ;
Elle a goûté les grâces reposées
Par où s’enchante une arrière-saison.
Quand toute enfance, égoïste en ses joies,
Au moindre choc exhale ses malheurs,
Elle sourit de peur que tu ne voies ;
C’est déjà l’Ange en ses célestes voies !
Calme tes pleurs, calme tes pleurs !

Ou pour lui plaire, à mère inconsolée,
Pleure à jamais, mais sans un pleur amer ;
Pleure longtemps au fond de la vallée
Ta vie enfuie en un monde plus cher.
Dans un rayon vois l’Ange redescendre,
Bénir tes nuits et t’y jeter ses fleurs,
Et doucement te murmurer d’attendre,
Et te redire avec un deuil plus tendre :
Verse tes pleurs, verse tes pleurs !