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PENSÉES D’AOÛT.

Le luxe du printemps et son premier amour :
Le sourire la suit et voltige alentour ;
La mère en est heureuse, et dans sa chaste joie
Seule en sait les trésors et seule les déploie ;
Les cœurs des jeunes gens, en passant remués,
Sont pris aux frais bandeaux décemment renoués ;
Y poser une fleur est la gloire suprême.
Qui la pose une fois la détache lui-même.

Même aux jeunes garçons, sous l’airain des combats,
La boucle à flots tombants, certes, ne messied pas ;
Qu’Euphorbe si charmant, la tête renversée,
Boive aux murs d’Ilion la sanglante rosée,
C’est un jeune olivier au feuillage léger,
Qui, tendrement nourri dans l’enclos d’un verger,
N’a connu que vents frais et source qui s’épanche,
Et, tout blanc, s’est couvert de fleurs à chaque branche ;
Mais d’un coup furieux l’ouragan l’a détruit :
Il jonche au loin la terre, et la pitié le suit.

Quand une vierge est morte, en ce pays de Grèce,
Autour de son tombeau j’aperçois mainte tresse,
Des chevelures d’or avec ces mots touchants :
« De l’aimable Timas, ou d’Érinne aux doux chants,
La cendre ici repose : à l’aube d’hyménée,
Vierge, elle s’est sentie au lit sombre entrainée.
Ses compagnes en deuil, sous le tranchant du fer,
Ont coupé leurs cheveux, leur trésor le plus cher. »

Et que fait parmi nous, dans sa ferveur sacrée,
Héloïse elle-même, Amélie égarée,
Celle qui, sans retour, va se dire au Seigneur,
Que fait-elle d’abord que de livrer l’honneur
De son front virginal au fer du sacrifice,