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PENSÉES D’AOÛT.

Portaient la main à tout à bord du bâtiment,
Et faisaient comme émeute à la moindre soupape,
Touchant, vérifiant chaque objet qui les frappe :
Et c’étaient de grands cris pour les chasser de là.

Assez longtemps, sans rien remarquer de cela,
Entre ceux d’alentour sans distinguer personne,
J’avais été, l’œil fixe au ciel qui m’environne,
Tout entière aux coteaux, à la grandeur des lieux,
Et, sous les accidents pluvieux, radieux,
Admirant et suivant cette beauté ternie,
Par places renaissante, et toujours l’harmonie.
Puis, le soleil bientôt reparu dans son plein,
Je restai d’autant mieux, — au sourire malin,
Au sourire, et, je crois, un peu fort au scandale
Des Anglais dont la carte est rouverte et s’étale,
Qui cherchent de plus belle, et ne comprenaient pas
Qu’on pût, sur un bateau, s’aller percher là-bas
En voiture, et surtout (énormité profonde !)
Hors de la balustrade où se clôt le beau monde.

Ma fille cependant, qui me laissait un peu,
Me revint en criant : « Maman, le comte de…
Est dans les passagers. » — « Impossible ! » — « Il remonte,
Le voici ! » — J’aperçus, en effet, non le comte,
Mais sous l’habit grossier d’homme des derniers rangs,
Une noble figure aux yeux bleus transparents.
Quelque chose du Nord, la ligne régulière,
Et de grands cheveux blonds portés d’une manière
Haute, aristocratique, et comme notre ami.
Mon œil, dès ce moment, le suivit, et, parmi
Les nombreux passagers de cette classe obscure,
Un intérêt croissant détachait sa figure ;
Et plus je l’observai, plus il obtint sa part