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PENSÉES D’AOÛT.

Il m’a laissé du moins son âme et son esprit,
Et son goût tout entier à chaque marge écrit.
Après des mois d’ennuis et de fatigue ingrate,
Lui, d’étude amoureux et que la Muse flatte,
S’il a vu le moment qu’il peut enfin ravir,
Sans oublier jamais son Virgile-elzévir,
Il sortait ; il doublait la prochaine colline,
Côtoyant le sureau, respirant l’aubépine,
Rêvant aux jeux du sort, au toit qu’il a laissé,
Au doux nid si nombreux et si tôt dispersé,
Et tout lui déroulait, de plus en plus écloses,
L’âme dans les objets, les larmes dans les choses.
Ascagne, Astyanax, hâtant leurs petits pas,
De loin lui peignaient-ils ce fils qui n’était pas ?…
Il allait, s’oubliant dans les douleurs d’Élise.
Mais, si l’enfant au seuil, ou quelque vieille assise,
Venait rompre d’un mot le songe qu’il songeait,
Avec : intérêt vrai comme il interrogeait !
Il entrait sous ce chaume, et son humble présence
Mettait à chaque accent toute sa bienfaisance.
Ces pleurs que lui tirait l’humaine charité
Retombaient sur Didon en même piété.


SONNET

À MON AMI CH. LABITTE


En voyant, jusqu’ici ce que j’ai vu si peu,
La nature et sa gloire, et sa simple harmonie ;