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DE JOSEPH DELORME

Dans un mouchoir perdu retrouver son haleine,
Baiser son gant si fin ou l’amoureuse laine
Qui toucha son cou blanc ;

Mais surtout, cher objet d’une plainte éternelle,
Autour de toi veiller, te couvrir de mon aile,
Prier pour ton bonheur,
Comme, auprès du berceau d’une fille chérie,
Une veuve à genoux veille dans l’ombre et prie
La mère du Seigneur !

Ce sont là tous mes vœux, et j’en fais un encore :
Qu’un jeune homme à l’œil noir, dont le front se décore
D’une mâle beauté ;
Qui rougit en parlant ; au cœur noble et fidèle ;
Le même que souvent j’ai vu s’asseoir près d’elle
Et lire à son côté ;

Qu’un soir il la rencontre au détour d’une allée,
Surprise, et cachant mal l’émotion voilée
De son sein palpitant ;
Qu’alors un regard vienne au regard se confondre,
Écho parti d’une âme et pressé de répondre
À l’âme qui l’attend !

Aimez-vous, couple heureux, et profitez de l’heure :
Pour plus d’un affligé qui souffre seul et pleure
Ce soir semblera long ;
Allez ; l’ombre épaissie a voilé la charmille,
Et les sons de l’archet appellent la famille
Aux danses du salon.

Confiez vos soupirs aux forêts murmurantes,
Et, la main dans la main, avec des voix mourantes
Parlez longtemps d’amour ;