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PENSÉES D’AOÛT.

Les vétérans tenaient tout ce champ des esprits.
Avant qu’il fût à moi l’héritage était pris.

Les sentiments du cœur dans leur domaine immense,
Et la sphère étoilée où descend la clémence,
Tout ce vaste de l’âme et ce vaste des cieux,
Appartenaient à l’un, au plus harmonieux.
L’autre à de beaux élans vers la sphère sereine
Mêlait le goût du cirque et de l’humaine arène ;
Et pour témoins, au fond, les lutins familiers,
Le moyen âge en chœur, heurtant ses chevaliers,
Émerveillaient l’écho ! Sous ma triste muraille,
Loin des nobles objets dont le mal me travaille,
Je ne vis qu’une fleur, un puits demi-creusé,
Et je partis de là pour le peu que j’osai.

On raconte qu’au sein d’une des Pyramides,
Aussi haut que la cime atteint aux cieux splendides,
Aussi profond s’enfonce et plonge dans les flancs,
Sous le roc de la base et les sables brûlants,
Un puits mystérieux, dont la pointe qui sonde,
À défaut de soleil, s’en va ressaisir l’onde.
En ce puits, s’il n’avait pour couvercle d’airain,
Pour sépulcre éternel, son granit souverain,
On verrait en plein jour, malgré l’heure étonnée,
La nuit dans sa fraîcheur se mirer couronnée.
Si les cieux défendus manquent à notre essor,
Perçons, perçons la terre, on les retrouve encor !

Mon jardin, comme ceux du vieillard d’Œbalie,
N’avait pas en beauté le cadre d’Italie,
Sous un ciel de Tarente épargné de l’autan
Le laurier toujours vert, les rosiers deux fois l’an,
Et l’acanthe en festons et le myrte au rivage.