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PENSÉES D’AOÛT.


Mais votre voix, c’est la couleuvre vive,
Insinuante et limpide et furtive,
Col gracieux et de gris nuancé !

La voir courir est chose trop peu sûre ;
Elle est sans dard, et je crains sa piqûre ;
Ou, tout au moins, je crains d’être enlacé.


À LA DAME

DES SONNETS DE JOSEPH DELORME[1]


pour qui on me demandait des vers, après des années.


Pourquoi, quand tout a fui, quand la fleur éphémère
A séché dès longtemps sur cette ronce amère,
Pourquoi la remuer, chaste souffle des bois ?
Pourquoi, quand tout le cœur a sa fatigue obscure,
Pourquoi redemander, onde joyeuse et pure,
Qu’on se mire encore une fois ?

Ah ! s’il repasse un soir à ces rives de Seine.
Celui dont l’œil cherchait quelque étoile incertaine,
Il se dit qu’autre part, aux bords qu’on souhaitait,
L’astre luit, que la brise est fraiche, l’onde heureuse,
Comme au mois des lilas la famille amoureuse,
Il le sait, et se tait !

  1. Il s’agit des sonnets : Ô laissez-vous aimer… — Madame, il est donc vrai, vous n’avez pas voulu, etc.