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LES CONSOLATIONS.

Plus bas dans le péché, plus avant dans la tombe !
— Et pourtant aujourd’hui qu’un radieux soleil
Vient d’ouvrir le matin à l’Orient vermeil ;
Quand tout est calme encor, que le bruit de la ville
S’éveille à peine autour de mon paisible asile ;
À l’instant où le cœur aime à se souvenir,
Où l’on pense aux absents, aux morts, à l’avenir,
Votre parole, ami, me revient et j’y pense ;
Et consacrant pour moi le beau jour qui commence,
Je vous renvoie à vous ce mot que je vous dois,
À vous, sous votre vigne, au milieu des grands bois.
Là désormais, sans trouble, au port après l’orage,
Rafraîchissant vos jours aux fraîcheurs de l’ombrage,
Vous vous plaisez aux lieux d’où vous étiez sorti ;
Que verriez-vous de plus ? vous avez tout senti.
Les heures qu’on maudit et celles qu’on caresse
Vous ont assez comblé d’amertume ou d’ivresse.
Des passions en vous les rumeurs ont cessé ;
De vos afflictions le lac est amassé ;
Il ne bouillonne plus ; il dort, il dort dans l’ombre,
Au fond de vous, muet, inépuisable et sombre ;
À l’entour un esprit flotte, et de ce côté
Les lieux sont revêtus d’une triste beauté.
Mais ailleurs, mais partout, que la lumière est pure !
Quel dôme vaste et bleu couronne la verdure ;
Et combien cette voix pleure amoureusement !
Vous chantez, vous priez, comme Abel, en aimant ;
Votre cœur tout entier est un autel qui fume,
Vous y mettez l’encens et l’éclair le consume ;
Chaque ange est votre frère, et, quand vient l’un d’entre eux,
En vous il se repose, — ô grand homme, homme heureux !


Juillet 1829.


Depuis que cette pièce a été adressée à notre illustre poète, un affreux