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POÉSIES


ÉLÉGIE


Paullum quid Jubet adlocutionis
Mœstius lacrimis Simonideis.

Catulle.


Simonide l’a dit après l’antique Homère :
Les générations, dans leur presse éphémère,
Sont pareilles, hélas ! aux feuilles des forêts
Qui verdissent un jour et jaunissent après,
Qu’enlève l’Aquilon ; et d’autres toutes fraîches
Les remplacent déjà, bientôt mortes et sèches.

Les générations sont semblables aussi
Aux flots qui vont mourir au rivage obscurci.

C’était un soir d’été : le Couchant dans sa gloire,
De l’immense Océan, au pied du Promontoire,
Rasait la verte écaille, et de jeux infinis
Dorait le dos du monstre et ses flancs aplanis.
Tout dormait, tout nageait dans la vaste lumière.
Sur un pli seulement de la plage dernière,
Au point juste où du soir le rayon se rompait,
Où du Cap avancé l’ombre se découpait,
Dans toute une longueur du reste détachée,
Comme si quelque banc faisait barre cachée,
Les vagues arrivant, se pressant tour à tour,
Montaient, brillaient chacune eu un reflet de jour,
Puis de là s’abaissant, entrant au golfe sombre,
Allaient finir plus loin, confuses et sans nombre.